Les ventes étaient en baisse, et la rentabilité n'était pas au rendez-vous. Groupe Épicia a donc décidé de mettre la clé dans 14 fruiteries (à Québec, Victoriaville, Drummondville et Granby) afin de se concentrer sur la rentabilité des 10 qui restent dans l'entreprise.

Ces fermetures s'ajoutent aux six de l'an dernier. Cette dernière coupe, annoncée il y a une semaine, laisse-t-elle présager une période plus difficile pour les fruiteries?

«Globalement, le marché est difficile, soutient Michel Charlebois, président de Groupe Épicia. La population augmente à un rythme inférieur à l'accroissement du nombre de pieds carrés de magasins. Et il y a une évolution de l'offre de produits frais dans les grandes chaînes. La différence de qualité entre les spécialistes et les généralistes s'est aussi amoindrie.»

«La purge est en train de se faire, note Martin Prud'homme, propriétaire du distributeur JS Daoust. Il n'y a plus de place pour les fruiteries de deuxième qualité. Le client veut de la variété et de la qualité, comme il paie un peu plus cher.»

Questions de marges

Situation économique plus difficile conduisant à des achats plus réfléchis des consommateurs, hausse du prix des denrées, présence des grandes surfaces aux prix imbattables... Plusieurs raisons sont évoquées pour justifier les fermetures. «On a des Walmart, Costco, des pharmacies et des épiceries comme compétiteurs, énumère Michel Charlebois. Notre clientèle est sollicitée. Et on n'a pas une épicerie complète. On est un complément. On perd donc des transactions importantes.»

«Le prix de la boîte de salades frisées vertes est passé de 30 à 56$! s'exclame Thed Diep, propriétaire de la fruiterie Au Melon Miel. Les piments sont à 3$ la livre maintenant. Les prix ont explosé. Le transport est un des facteurs de cette hausse notable. On essaie de s'expliquer les autres raisons, mais même nos fournisseurs ne savent pas précisément.»

Conséquence directe: les marges baissent. «Comme la plupart des commerces, on prend un pourcentage, mais c'est minime, explique Thed Diep. Nos marges peuvent être de 30% ou 50% selon que ce soient des produits à transformer ou non. Donc, je suis obligé d'augmenter les prix.»

«Les fruiteries assument la perte et doivent être compétitives face aux grandes chaînes, ajoute le distributeur Martin Prud'homme. Elles ne peuvent se reprendre sur d'autres produits en magasin comme d'autres. Donc, elles achètent juste les quantités nécessaires.»

Cela dit, certaines des fruiteries interrogées par La Presse Affaires disent dégager un chiffre d'affaires appréciable. «Ça dépend dans quel secteur on évolue, j'imagine, dit Thed Diep. Certains comptent quatre IGA et Metro dans leur voisinage. Sur Masson, où nous sommes situés, on s'en sort bien. Il y a un Maxi et un Loblaws pas très loin. Mais c'est tout. On est chanceux, car il y a en plus un projet immobilier dans le secteur d'Angus. Ça va amener du monde.»

Secteurs propices

«On sent une baisse chez certains, mais on est chanceux, car on est sur le Plateau Mont-Royal, dit Johanne Buteau, propriétaire de Fruiterie du Plateau. Les ventes sont stables ou en légère croissance. On a nos clients réguliers.»

La direction de la chaîne «Citron que c'est bon», en expansion, se réjouit de ses ventes dans ses fruiteries de Mascouche et Longueuil. «Mais on patine pour repartir le magasin de Saint-Hubert, un ancien Valmont, mentionne la présidente Francine Laplante. On ne reprendra plus jamais de magasin de quelqu'un. C'est beaucoup d'énergie.»

Groupe Épicia, qui regroupe notamment les bannières Le jardin mobile, espère maintenant que l'hémorragie est stoppée. «Ces dernières années, on aurait dû travailler plus fort dans l'expérience client, admet Michel Charlebois. En mode acquisition, on a grandi au détriment de l'expérience. Mais on prévoit travailler plus fort sur ce point et sur la bonification de l'offre.»