Sears Canada va mal depuis des années. Mais le détaillant voit le bout du tunnel.

«Nous avons eu plusieurs années difficiles, avoue le nouveau patron, Ronald Boire, à La Presse Affaires, au cours d'une visite chez Sears des Galeries d'Anjou. On a pris de dures décisions en termes de restructuration, mais on est aujourd'hui en position pour nous relever».

Chute des revenus

De trimestre en trimestre, le dévoilement des résultats financiers rappelle un désintérêt des Canadiens pour ses magasins. Il y a deux semaines, l'entreprise dévoilait des revenus de 834,5 millions de dollars au troisième trimestre 2014, en baisse de 15% par rapport aux 982,3 millions de l'exercice précédent. Si cette baisse est notamment causée par la fermeture de magasins, les adresses existantes ont néanmoins connu une chute de 9,5% de leurs ventes.

Sears a aboli 2200 postes au pays au cours des deux dernières années. L'entreprise a aussi mis fin à des baux dans une dizaine d'endroits de choix comme le Eaton Centre de Toronto. «Dans la plupart des cas, c'était dans des surfaces occupées autrefois par Eaton, explique Vince Power, vice-président des affaires corporatives et des communications de Sears. On rapporte souvent qu'on a fermé parce que Sears va mal, mais c'était parce que ces endroits représentaient d'excellentes transactions immobilières et qu'il nous aurait fallu 20 ans pour faire autant d'argent dans nos opérations normales.»

«Sears a une valeur immobilière inestimable, tant sur le plan de ce qu'elle possède que de ses baux avantageux, confirme Perry Caicco, analyste de la CIBC. Mais ses affaires en magasin subissent un déclin marqué.»

Sears Holdings

Parallèlement, Sears Holdings, qui a fait passer ses parts de 51% à 12% dans Sears Canada cette année, ne se porte pas bien non plus. Hier, l'entreprise dévoilait des revenus de 7,2 milliards à son troisième trimestre 2014, comparativement à 8,3 milliards au troisième trimestre de 2013, soit une perte de 13%. Cette perte est en partie attribuable au rendement de ses magasins Kmart et Sears.

L'arrivée en poste, il y a deux mois, de Ronald Boire renversera-t-elle la vapeur? L'Américain, qui occupait auparavant le poste de directeur du merchandising chez Sears Holdings et qui a également travaillé pour Best Buy, Sony Electronics et Toys «R» Us, croit que Sears Canada bénéficiera d'un nouveau souffle après des investissements majeurs en numérique et dans ses magasins.

«Notre service a été revu, dit le nouveau dirigeant. On a ajusté les coûts pour être plus compétitifs. On a de beaux produits à de bons prix.»

Le patron précédent, Douglas Campbell, a été à la tête de l'entreprise tout au plus un an. «Je planifie rester, affirme Ronald Boire. Je veux aider l'entreprise à grandir. Mais ça va prendre des années, pas des semaines.»

La baisse de popularité de Sears pourrait à la fois concorder avec le désintérêt du holding américain envers les magasins canadiens autant qu'avec l'arrivée des concurrents tels Walmart puis Target. «Le marché s'est beaucoup transformé, analyse Ronald Boire. On ne s'est pas adaptés assez vite. Il faut être en mesure de se revirer plus rapidement. Là, on investit de façon notable pour faciliter les achats des clients en ligne, sur les mobiles et en magasins. Nos investissements internet ont aussi pour but d'améliorer le travail de nos employés en magasin et l'intégration de l'inventaire.»

Ronald Boire parle d'évolution. «Mais on peut prendre des décisions rapidement, dit-il en pointant les nouvelles marques en magasin et les étalages modernes de lingerie, notamment. On parle souvent de ce que Sears ne fait pas, mais on a toujours apporté des changements et évolué.»

Le défi des magasins

«À court terme, la bataille n'est pas gagnée, estime toutefois JoAnne Labrecque, professeure agrégée en marketing de HEC Montréal. Sears est bien positionnée pour ce qui est des électroménagers. Mais il y a du chemin à faire dans les magasins. Oui, on a réaménagé, mais on n'a pas fait tout ce qu'il fallait. Sears n'offre pas une expérience de magasinage différenciée. C'est d'ailleurs le défi de plusieurs enseignes dans le vêtement.

«Pour que Sears, qui avait un positionnement famille clair dans les années 90, réussisse, elle doit avoir un objectif précis et envoyer un message simple pour montrer comment elle se différencie de la concurrence, ajoute-t-elle. Elle doit dynamiser sa communication pour s'assurer qu'on garde toujours sa bannière en tête. Car le consommateur a plusieurs alternatives. Il est prudent et infidèle!»