Contrairement à ce qui avait été déclaré le printemps dernier, le détaillant Loblaw ne souhaite plus ramener au Québec le nom Héritage. Le détaillant prévoyait alors convertir un certain nombre de Maxi aux couleurs de la défunte enseigne, en plus de les franchiser. Maintenant que les conventions collectives sont signées, les plans ont changé.

«Héritage, c'était un projet qui visait un nombre précis de magasins. Ça n'aura pas lieu. Ils vont demeurer des Maxi. Notre objectif est toujours d'assurer la viabilité des magasins et de servir les clients de façon optimale. [...] Un concours de circonstances fait en sorte que conserver l'enseigne Maxi est la façon la plus efficace d'atteindre cet objectif», a expliqué la directrice des communications de Loblaw au Québec, Johanne Héroux, à La Presse Affaires.

Les 12 Maxi en question (sur 110 dans la province) étaient tous représentés par la CSN, et les conventions collectives étaient sur le point d'être échues.

La CSN n'est pas surprise par ce revirement de situation. Au cours des derniers jours, les conventions collectives des 12 Maxi visés ont été ratifiées. «Au Saguenay et à Chibougamau, il fallait que les huit épiceries signent, sinon tout était vendu», relate Serge Fournier. Les conditions de travail n'ont pas changé d'un iota. Par contre, les travailleurs ont obtenu des augmentations de salaire.

Dans tous les cas, une lettre d'entente valide pour la durée du contrat (six ou sept ans, selon les supermarchés) stipule que le magasin ne pourra pas être franchisé. Le document ne contient pas de garantie en ce qui concerne le nom du commerce. Mais Johanne Héroux soutient qu'aucun changement d'enseigne n'est prévu.

«OPÉRATION CAVALIÈRE»

Le président de la Fédération du commerce-CSN, Serge Fournier, estime que le «projet» avait toutes les apparences d'une «manoeuvre antisyndicale». Car les salariés pouvaient s'attendre à ce que les nouveaux propriétaires réduisent les conditions de travail en invoquant leur capacité de payer inférieure à celle de Loblaw. Dans les Provigo franchisés, par exemple, les régimes de retraite et d'assurances sont moins généreux.

Le détaillant avait nié cette interprétation. «Nous instaurons un tout nouveau modèle d'affaires dans notre division à escompte en régions», nous avait expliqué le détaillant. Loblaw se donnait 90 jours pour vendre ses commerces et y accrocher le nom Héritage, disparu depuis 1995. La façon dont les 12 supermarchés avaient été choisis n'avait pas été justifiée.

«C'était assez cavalier comme opération, se désole Serge Fournier. Aujourd'hui, on se demande si Loblaw avait de véritables intentions ou si c'était du bluff...» Johanne Héroux jure que Loblaw était «très sérieux dans [sa] démarche» et que les discussions avec de potentiels acquéreurs «étaient rendues très loin».

ALLIANCES SYNDICALES

Le syndicaliste comprend ses membres d'avoir accepté tel quel le contrat qui leur était proposé. «Il fallait croire l'entreprise, car elle est vraiment capable de tout. Vu qu'ils ont fermé en 2010 leur entrepôt le plus moderne du Québec [après une impasse dans les négociations], on sait qu'ils peuvent fermer des magasins. Pour eux, c'est des pinottes !» Les trois supermarchés de Loblaw en conflit de travail en Abitibi-Témiscamingue (un Loblaws, un Maxi et un Provigo) sont fermés depuis plusieurs mois (entre 16 et 24), rappelle-t-il.

Serge Fournier déplore le fait que les syndiqués n'aient plus autant de pouvoir dans les négociations qu'à une certaine époque. Et que les menaces de fermeture soient de plus en plus fréquentes.

La solution ? «Des négociations coordonnées, répond-il. Car l'union fait la force. Cette année, Loblaw nous a contournés. Alors, il faut retourner à la table à dessin et imaginer autre chose. En négociant magasin par magasin, on n'a aucun rapport de force. Pour un géant, un ou deux magasins sur 1000, ça ne change rien sur le chiffre d'affaires.

«C'est décevant de voir que de grosses corporations peuvent casser le monde. Peut-être qu'un jour, il faudra aller au-delà de nos différends syndicaux avec la FTQ [TUAC] et faire des alliances pour contrer ça, pour revendiquer de meilleures conditions de travail. C'est clair qu'il faudra s'asseoir ensemble pour réfléchir.»