Hier, Élaine Zakaïb était députée de Richelieu. Depuis aujourd'hui, elle est vice-présidente, stratégies et finances, et chef de la restructuration des boutiques de vêtements Jacob, dont la survie est en péril.

«Si Jacob disparaît, je ne me le pardonnerai jamais», a lancé l'élue en annonçant sa démission, hier après-midi, moins de six mois après sa réélection. Pendant ce point de presse tenu à Sorel-Tracy, elle a raconté que le fondateur de Jacob, Joseph Basmaji, l'avait convaincue de l'aider à relancer l'entreprise qu'elle a maintes fois qualifiée de «fleuron québécois». Le choix a été «déchirant», a-t-elle dit.

L'homme d'affaires et la péquiste sont tous les deux originaires de Sorel. D'ailleurs, Élaine Zakaïb connaît M. Basmaji «depuis des années»; elle a été avocate pour Jacob à la fin des années 80. En mai dernier, elle avait fait une sortie publique pour déplorer les problèmes financiers du détaillant qui exploitait alors 90 magasins d'un bout à l'autre du pays. Il lui en reste 40, au Québec et en Ontario.

Élaine Zakaïb a précisé qu'à l'avenir, Jacob ne vendrait que des vêtements dessinés et fabriqués au Québec, ce qui entraînera «la création de centaines d'emplois dans la province».

On ne sait pas si Jacob investira dans une usine pour combler ses besoins ou s'il fera affaire avec des sous-traitants. Le nombre d'usines a diminué au Québec ces dernières années, ce qui rend les approvisionnements locaux difficiles.

«C'est un grand défi. J'espère que ça pourra fonctionner. C'est important de soutenir les entreprises d'ici. Et il y a certainement un intérêt des consommatrices pour l'achat local, mais il y a toujours la question du prix», a commenté Eve Grenier, présidente du conseil de Vêtement Québec. À son avis, «dans la blouse, la robe et le pantalon», Jacob devrait être en mesure de se trouver des fournisseurs locaux, «mais ça dépend jusqu'à quel pourcentage [des achats totaux] ils veulent se rendre».

Plan à finaliser

Il n'a pas été possible d'en savoir davantage auprès du détaillant. «Nous travaillons encore sur notre plan de relance, donc il n'y a rien de plus que je puisse communiquer publiquement en ce moment. Mme Zakaïb prendra connaissance de ce plan au cours des prochains jours lors de son arrivée chez Jacob et nous aidera à le finaliser», nous a indiqué par courriel Cristelle Basmaji, responsable des communications du détaillant et fille du fondateur.

Son père n'a pas voulu répondre aux questions des médias, hier. D'ailleurs, il n'a accordé aucune entrevue depuis le début du processus de restructuration entamé en mai.

Le cabinet PwC, qui agit à titre de syndic à l'avis d'intention dans le dossier de restructuration de Jacob (en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité), a précisé à La Presse Affaires que Jacob pouvait embaucher Élaine Zakaïb sans obtenir son assentiment. «Ce n'est pas comme un C-36 [restructuration en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies]. On ne contrôle pas les entrées et sorties de fonds», note l'associé Christian Bourque.

Gazelles, BDQ, FTQ

Élaine Zakaïb renonce à son indemnité de départ de l'Assemblée nationale. Elle avait droit à environ quatre mois de salaire. Son départ force toutefois la tenue d'une élection partielle dans Richelieu qui coûtera environ 600 000$.

«C'est sûr qu'on est déçus de la voir partir. Mais en même temps, son départ est cohérent avec son engagement. Elle le fait pour aider un fleuron de l'économie québécoise du secteur du vêtement», a déclaré le chef intérimaire du Parti québécois, Stéphane Bédard, qui a accueilli cette démission «avec beaucoup de tristesse».

Depuis les élections, c'est le deuxième élu de l'opposition ayant un profil économique à quitter son siège. En août, le caquiste Christian Dubé a démissionné pour devenir vice-président à la Caisse de dépôt et placement.

Sous le règne de Pauline Marois, Élaine Zakaïb a été ministre déléguée à la Politique industrielle et à la Banque de développement économique, un organisme qui n'a finalement jamais été créé. Elle a notamment lancé le programme des «gazelles». De 2004 et 2012, elle a été PDG des Fonds régionaux de solidarité FTQ.

Avec la collaboration de Martin Croteau