Target commencera à réaliser des profits au Canada «au début de 2015», calcule Moody's. L'agence de notation croit aussi que le détaillant restera au pays, un «marché potentiellement lucratif à long terme», ce que d'autres observateurs mettent en doute.

Moody's prévoit que Target perdra encore de l'argent au Canada cette année, mais que l'entreprise américaine «prendra un virage dans un avenir pas si lointain».

Même s'il ne faut pas s'attendre à un «revirement immédiat», il y aura «des améliorations séquentielles significatives au cours des prochains trimestres», écrit l'analyste Charles O'Shea dans un rapport publié lundi. Les magasins seront plus adaptés au marché, note-t-il, et davantage d'énergie sera consacrée aux campagnes marketing.

Aux États-Unis, rappelle Moody's, les nouveaux magasins Target mettent un an à atteindre le seuil de rentabilité alors que la chaîne d'approvisionnement y est bien rodée. Ainsi, au Canada, où tout était à bâtir à partir de zéro, «les attentes étaient probablement déraisonnables». En appliquant la même logique comptable de ce côté-ci de la frontière, «il est irréaliste de croire que les magasins pourraient être rentables», ajoute Charles O'Shea.

La première année de Target au Canada s'est soldée par une perte frôlant le milliard de dollars, même si 45% des magasins n'avaient été ouverts que quatre mois ou moins. Les ventes des 124 magasins ont atteint 1,3 milliard.

Un concept exportable?

Sans minimiser les problèmes de Target, l'agence de notation estime que les opérations canadiennes ne génèreront «probablement» pas plus de 10% des revenus de l'entreprise «dans un avenir prévisible». Et qu'un tel pourcentage «n'a pas d'impact sur les perspectives globales de performance» du détaillant. Par contre «[l'expansion au Canada] soulève des questions quant à la capacité du concept d'être exporté dans des marchés étrangers».

Il faut dire qu'au Canada, l'arrivée très médiatisée et appréhendée de Target en a fait réagir plus d'un. Des géants comme Loblaw (Maxi), Canadian Tire et Shoppers Drug Mart, en autres, ont accru leurs offres promotionnelles, ce qui a donné l'impression aux consommateurs que les prix de Target étaient élevés, résume Moody's.

Pour gagner le coeur et le portefeuille des Canadiens, Target a du pain sur la planche parce qu'ils sont «plus éprouvés financièrement» que les Américains et qu'ils «n'adoptent pas tout ce qui est américain juste parce que c'est américain», écrit Charles O'Shea.

Restera, restera pas...

L'analyste croit par ailleurs que Target s'est établi au Canada pour le long terme. Et «qu'avec un point de vue potentiellement plus pragmatique du marché canadien de la vente au détail», il saura renverser la vapeur avant longtemps.

Ce point de vue tranche avec celui d'autres experts en commerce de détail. «Il est concevable qu'ils se retirent du Canada. Je suppose qu'avec un nouveau président, tout sera sur la table», a indiqué Faye Landes, de Cowen and Co. à New York, au Globe and Mail.

Paul Trussell, de la Deutsche Bank, croit que le nouveau président devra «d'ici deux ans, réévaluer la présence de l'entreprise au Canada si sa performance ne s'améliore pas considérablement». Le dirigeant pourrait aussi considérer la possibilité de fermer certains de ses magasins les plus faibles.