Si tout se passe comme prévu, La Vie en Rose s'attaquera au marché américain l'an prochain. Mais pas question d'y inaugurer une panoplie de boutiques. Le détaillant utilisera son site web comme arme de séduction massive, dans ce marché dominé par le géant Victoria's Secret.

«Il y a des Chinois qui shippent ici. Des Européens aussi. Alors pourquoi nous, on ne shipperait pas ailleurs? C'est compliqué fiscalement, mais ça se fait», a déclaré le président de l'entreprise, François Roberge, sur la scène du congrès annuel du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD) qui se termine aujourd'hui.

L'homme d'affaires, qui exploite une chaîne de 245 succursales dans le monde, misera sur le web plutôt que la brique et le mortier parce que cette stratégie est moins coûteuse. «Ce n'est pas risqué. Notre plateforme existe déjà, il faut seulement y ajouter quelques à-côtés qui ne coûtent pas cher», a expliqué François Roberge à La Presse Affaires au cours d'un entretien.

Préparer sa stratégie

Jusqu'ici, les détaillants québécois qui ont réussi à prendre de l'expansion aux États-Unis sont très peu nombreux. Le dirigeant, qui est en train de préparer sa stratégie, en est fort conscient.

«Je fais des ventes de 3,5 millions au Canada. Je pourrais peut-être vendre pour 10 millions aux États-Unis», évoque-t-il.

Avant de procéder à sa percée américaine, le président de La Vie en Rose doit encore déterminer de quelle manière il pourra offrir des retours faciles de marchandise. Et un bon service à la clientèle. «Tu ne peux pas rater ton coup, car les Américains sont habitués à un excellent service», note François Roberge, qui a déjà l'habitude de se battre contre Victoria's Secret dans plusieurs marchés.

Chose certaine, La Vie en Rose aura un bureau et «un centre de retour» au sud de la frontière. Il n'est pas exclu par ailleurs qu'un magasin soit ouvert, peut-être à Plattsburgh (État de New York), pour écouler les vêtements retournés par les clientes. Les détails du plan d'affaires devraient être annoncés publiquement l'automne prochain, confie le dirigeant.

François Roberge a été honoré hier soir par le CQCD lors de sa Soirée des détaillants, au Palais de congrès. L'industrie a ainsi reconnu sa réussite et sa performance. SAIL et Sobeys (IGA) ont aussi obtenu un prix. Les critères de sélection des lauréats étaient l'innovation, la visibilité et les ressources humaines.

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Quelles sont les préoccupations des détaillants ?

CHUTE DU DOLLAR

François Roberge, président de La Vie en Rose, admet être très préoccupé par la dégringolade du huard dans un contexte où il peut difficilement refiler la facture aux clientes, vu leur grande sensibilité aux prix. «Ça nous fait mal. C'est un de mes gros stress en ce moment, car on importe notre marchandise [en dollars US].» Marc DeSerres, président des magasins du même nom, a aussi mentionné dans une vidéo que la chute du dollar est un souci. Économiste en chef chez Desjardins, François Dupuis croit que le dollar «pourrait peut-être» reprendre 5 cents d'ici un an.

VIEILLISSEMENT DES CLIENTS

Le vieillissement de la population est une autre grande préoccupation des détaillants, puisque «les ménages plus âgés dépensent moins», a souligné Jean-François Grenier, directeur senior au Groupe Altus. Cela est surtout vrai dans le secteur du vêtement, où les dépenses sont «deux fois moindres». Pour les pharmacies, par contre, cette tendance démographique est le présage d'un «avenir prometteur». L'expert suggère aux détaillants de concevoir des concepts adaptés à une clientèle plus âgée.

ENDETTEMENT ÉLEVÉ DES CONSOMMATEURS

Les détaillants s'inquiètent du surendettement des Canadiens qui, en conséquence, réduisent leurs dépenses de consommation. De plus, leur sensibilité aux prix semble n'avoir jamais été aussi grande, ce qui force les commerçants à offrir sans cesse des rabais. Enfin, le surendettement encourage les achats de biens usagés sur le web, de sorte que Kijiji.ca et LesPAC.com deviennent de réels concurrents pour les détaillants.

POPULARITÉ DU WEB

Face à l'immense poids du géant Amazon et à la popularité croissante des achats en ligne, les détaillants de petite taille se demandent comment être concurrentiels. Comment lancer un site transactionnel, vu leurs moyens financiers restreints. «Avec les nouvelles technologies, les barrières à l'entrée ne sont que de petits dos-d'âne», leur a dit Jonathan Lavoie-Lévesque, de Shopify. «Si vous n'existez pas en ligne, vous n'existez pas», a ajouté Jean-François René, de Liki.