À partir du 31 mars, la Société des alcools du Québec (SAQ) réduira les services de livraison gratuite offerts aux restaurateurs, mais la société d'État assure qu'il y a «très peu d'insatisfaction» à l'égard de cette nouvelle politique.

Les restaurateurs ne pourront plus recevoir directement à leur établissement leurs commandes de vins issus d'importations privées. Pour les récupérer, ils devront se rendre à l'une des 210 succursales désignées (sur un total de 410 succursales au Québec).

Quelque 400 restaurants, sur un peu plus de 2000 qui font affaire avec la SAQ, seront touchés par ces changements. Ces établissements sont situés dans la grande région de Montréal, dans les Laurentides, dans Lanaudière, en Montérégie, en Estrie et en Outaouais. Les restaurants des autres régions du Québec ne sont pas concernés parce qu'ils n'ont jamais eu droit à la livraison directe de commandes d'importations privées.

Les ventes de produits en importations privées explosent depuis une dizaine d'années. Les restaurateurs en sont particulièrement friands parce qu'ils leur permettent d'élaborer une carte des vins unique, qui devient un avantage concurrentiel.

«Ce que ça envoie comme message, c'est que malgré l'importance du volume d'achats fait par les restaurateurs, le service à la clientèle, ça passe en second», déplore François Meunier, vice-président de l'Association des restaurateurs du Québec.

Les restaurateurs continueront néanmoins de bénéficier de la livraison gratuite pour leurs commandes de sept caisses ou plus de produits courants (ceux qui sont vendus en succursales).

André Papineau, président du Regroupement des agences spécialisées dans la promotion des importations privées des alcools et des vins (Raspipav), y voit une façon indirecte pour la SAQ de favoriser les ventes de produits courants (ceux qui sont vendus en succursales).

«Vous avez une SAQ qui doit faire face à une baisse des volumes alors qu'elle reçoit des demandes de rendement supérieur de la part du gouvernement. La seule issue, c'est de faire des réductions de service», commente Lucien Davalan, président de l'Association québécoise des agences de vins, bières et spiritueux.

La SAQ assure qu'il n'en est rien. «Tout le monde n'est pas mécontent, au contraire, affirme Linda Bouchard, porte-parole du monopole d'État. Il y a des restaurateurs qui trouvent que ça leur facilitera grandement la vie, parce qu'ils n'auront qu'un seul arrêt à faire (en succursale) pour récupérer leurs importations privées et leurs produits courants. Pour nous, c'est une économie, mais ça risque d'en être une aussi pour les restaurateurs qui n'auront plus à attendre le camion de la SAQ.»

Meilleur service?

La fin de la livraison des produits en importations privées permettra à la SAQ de se concentrer sur la livraison des produits courants et d'en améliorer l'efficacité, soutient Mme Bouchard.

«Pour mieux nous servir, on nous enlève un service! C'est vraiment la SAQ, ça», s'insurge à La Presse Affaires un restaurateur qui a requis l'anonymat.

Du côté du Syndicat des travailleurs de la SAQ, qui représente les livreurs, on ne s'attend pas à ce que la réduction des services aux restaurants ait un impact sur ses membres. 

Par contre, le recours aux chauffeurs en sous-traitance pourrait diminuer, avance-t-on.

Pour l'exercice qui prend fin le 31 mars, Québec avait demandé à la SAQ de dégager des profits nets de 1,067 milliard. 

Or, le résultat réel sera inférieur de 61 millions, a indiqué le ministre des Finances, Nicolas Marceau, dans son budget du mois dernier, de sorte que la rentabilité de la société d'État aura reculé par rapport à 2012-2013.

Dans l'espoir de rectifier le tir, la SAQ, qui est dirigée depuis le 1er janvier par un nouveau PDG, Alain Brunet, retranchera cette année 60 000 heures de travail aux horaires de ses salariés en succursales. Ces compressions s'ajoutent aux 80 000 heures coupées l'an dernier. Selon l'entreprise, les clients se rendent moins souvent qu'auparavant dans les magasins.