Les grands épiciers canadiens ne sont pas au bout de leurs peines. Au cours des prochains trimestres, ils auront «une colline difficile à monter», croit Peter Sklar, spécialiste de la vente au détail chez BMO Marchés des capitaux.

La concurrence accrue, la force de la devise américaine, l'absence d'inflation alimentaire et la prudence des consommateurs menacent leur rentabilité. Et si le pire des scénarios se produisait, l'expert estime que Loblaw (Provigo, Maxi, Loblaws), Empire (IGA, Sobeys, Safeway) et Metro (Super C, Metro, Food Basics) pourraient voir la valeur en Bourse de leur titre chuter de 24 à 39% d'ici deux ans.

Des trois entreprises, Empire est la plus à risque, écrit-il dans sa plus récente étude du secteur de l'alimentation.

Trois fois plus vite

La concurrence féroce qui sévit dans le secteur de l'alimentation s'explique surtout par la vigoureuse expansion des détaillants. Avec Walmart qui a inauguré 38 Supercentres, Target qui a ouvert 124 magasins et Costco qui s'étend, l'offre alimentaire au Canada a bondi de 3% l'an dernier (en pieds carrés). À eux seuls, ces trois détaillants américains ont contribué aux deux tiers de cette croissance qui dépassait de loin celle de la population (" 1%). Encore cette année, Walmart ajoutera à son réseau 35 Supercentres totalisant 1 million de pieds carrés. Selon l'analyste Keith Howlett, de Desjardins, Loblaw, Empire et Metro prévoient étendre leur empreinte, en pieds carrés, de 1 ou 2% cette année.

Faiblesse du huard

Bananes, ananas, porc américain, fraises en plein hiver... les supermarchés canadiens s'approvisionnent tous à l'étranger en utilisant la devise américaine. La dégringolade du huard fait augmenter leurs coûts, mais ils ne peuvent pas refiler 100% de la facture aux consommateurs, vu le contexte concurrentiel actuel. La marge de profit s'en trouve forcément diminuée. Le président de Metro a récemment affirmé qu'il effectuait de 20 à 25% de ses achats en dollars américains, selon les périodes de l'année.

Empire, plus vulnérable

Le géant de la Nouvelle-Écosse Empire risque davantage que les deux autres grands épiciers canadiens de voir sa marge de profit s'éroder, estime Peter Sklar. Loblaw possède d'importants intérêts dans la Fiducie de placement immobilier Propriétés de Choix, en plus d'avoir acquis Shoppers Drug Mart (Pharmaprix, au Québec) dont les perspectives d'avenir sont positives, compte tenu du vieillissement de la population. De son côté, Metro prévoit racheter 13 millions d'actions d'ici deux ans, en plus de posséder une participation dans Alimentation Couche-Tard. En revanche, Empire n'a pas de grand «facteur amenuisant» et «son niveau projeté de dette est plus élevé», explique l'expert, qui note toutefois que certaines synergies avec Safeway pourraient compenser.

Plus payant au Canada

Les épiciers canadiens réalisent des marges bénéficiaires d'exploitation plus élevées (entre 6,5 et 9,0% depuis deux ans) qu'aux États-Unis (5%). Pour élaborer son scénario pessimiste, Peter Sklar a ramené les marges canadiennes près de celles générées au sud de la frontière.

Différence de 1$

Quel détaillant offre les meilleurs prix? Walmart. Mais l'écart de prix avec Maxi est minuscule. Depuis 18 mois, un panier vendu 100$ chez Walmart coûte en moyenne 1$ de plus chez Maxi, estime BMO Marchés des capitaux. Les prix sont comparés dans la région de Montréal. Et depuis le mois de juillet dernier, Maxi a toujours été moins cher que Walmart, sauf en décembre (les deux enseignes étaient au coude à coude). Pendant la même période, le panier chez Super C était 8% plus cher que celui de Walmart (108$ au lieu de 100$).

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LES ÉPICIERS MENACÉS

Baisse du bénéfice par action, en 2015 (si le scénario pessimiste se concrétise)

Empire : - 30% (- 2,00$)

Metro: - 19% (- 1,00$)

Loblaw: - 18% (- 0,60$)

Impact sur le cours des actions

Empire : - 39% (- 28$); hier le titre valait 69,70$

Metro: - 30% (- 19$); hier le titre valait 62,41$

Loblaw: - 24% (- 10$); hier le titre valait 41,94$

* En supposant une baisse d'un demi-point du ratio valeur de l'entreprise/bénéfices avant intérêts, impôts, dépréciation, amortissement et loyers (BAIIAL) ainsi qu'une baisse d'un point de pourcentage de la marge d'exploitation d'ici deux ans.