Six mois après l'ouverture des premiers Target en Ontario, la marée rouge tant appréhendée ne semble pas avoir été d'une très grande intensité. Que ce soit à Milton, Fergus ou Guelph, les consommateurs ne sont pas tombés follement amoureux du nouveau venu. Les attentes élevées ont fait place à la déception.

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Depuis le début, Target promet que ses magasins canadiens seront propres et bien éclairés. Que les allées seront larges, qu'il n'y aura pas d'attente aux caisses. Que l'expérience de magasinage y sera «toujours à la hauteur de [la] promesse: Trouvez mieux. Payez moins».

Qu'en est-il dans la réalité? Les magasins ontariens que nous avons visités étaient effectivement très bien rangés. Le plancher blanc, impeccable. La signalisation épurée.

Aussi y retrouve-t-on, dans l'entrée, ces petites attentions typiques à Target: un distributeur de lingettes pour enlever les germes sur son panier, des fauteuils roulants électriques, des charriots avec rallonge pour asseoir deux enfants, de grandes toilettes propres, des bacs à recyclage pour les appareils électroniques et les sacs de plastique, un café Starbucks. Dans les allées, des téléphones permettent de joindre un commis, et les clients peuvent utiliser des bornes de vérification de prix.

Les clients remarquent ce souci du détail. Quand on leur demande ce qu'ils pensent de Target, la propreté est presque toujours ce qui ressort en premier: «J'aime la façon dont les produits sont disposés, c'est propre, il y a de l'espace et c'est calme», a résumé Marcel, un retraité qui en était à sa première visite au Target de Fergus.

Ce calme n'est pas seulement la conséquence du faible achalandage. Il n'y a pas de musique d'ambiance, fait assez rare dans les commerces. «On dirait qu'on entre dans une bibliothèque», illustre John, qui a magasiné chez Target trois fois. Pour le sexagénaire, ce calme contraste beaucoup avec l'ambiance quasi chaotique qui règne dans le Walmart de Milton, où il travaille depuis des années et qu'il n'a jamais vu «si achalandé».



Rencontrée dans le stationnement du Walmart, Pam, qui habite à distance de marche du Target de Milton, confirme que le magasin «est toujours mort alors que Walmart est bondé en permanence». «Même s'il faut que je conduise pour venir ici, je viens parce qu'il y a plus de choix, surtout dans l'épicerie. Je ne fais pas mon épicerie chez Walmart, mais j'aime sa salade bio. Et Target n'a pas de centre de jardin.»

Service, stocks, prix

À peu près tous les clients que nous avons rencontrés ont également souligné la qualité du service, que nous avons pu observer. Les bras pleins d'articles, une femme qui magasinait avec ses deux enfants s'est fait offrir un panier par une employée en train de remplir les rayons. «Vous en avez un?», a-t-elle répondu avec surprise avant que la commis ne s'exécute.

Dans l'industrie du détail, on s'étonne d'ailleurs de la durée de la formation offerte par Target à ses employés. «Ils ont embauché du monde il y a trois mois! Que peuvent-ils bien leur enseigner tout ce temps-là? Ça coûte cher, faire ça», nous a dit le PDG d'une entreprise concurrente. Dans chaque Target visité, les employés étaient nombreux à remplir les rayons, à les réorganiser. Parfois, leur nombre semblait surpasser celui des clients.

Nos tournées nous ont permis de constater que les tablettes n'étaient pas pleines pour autant, une critique maintes fois entendue. Il manquait souvent des jouets, du lait, du maquillage, des brosses à cheveux. Selon un sondage mené par Forum Research et divulgué à la mi-août, seulement 27% des Canadiens sont «très satisfaits» de Target (comparativement à 40% pour Walmart).

Le manque de stock n'est pas le seul irritant. Les prix - comparés à ceux de Walmart et à ceux de Target aux États-Unis - le sont davantage. «Target est cher! Ce n'est pas comme aux États-Unis. Je suis venue seulement pour cet aspirateur qui était dans la circulaire. Je n'ai rien acheté d'autre. On s'est battus pour avoir un Walmart ici à Guelph et je suis contente de l'avoir, alors je ne changerai pas mes habitudes d'achat», souligne Janet, en poussant son charriot.

Rencontré dans les allées du Target de Milton, David Cairns était en train de comparer les prix dans le rayon de l'électronique avec ceux de Walmart. «Que ce soit les clés USB ou les accessoires de téléphones cellulaires, l'écart est perceptible. Je vais retourner chez Walmart. Au début, tout le monde était excité, mais en quelques semaines, ça s'est évaporé. Plusieurs de mes amis ont été déçus par les tablettes vides, c'est une entrée ratée», juge l'homme d'une cinquantaine d'années.

Photo Marie-Ève Fournier, La Presse

Un petite attention typique à Target: un charriot avec rallonge pour asseoir deux enfants, circulant sans encombre dans les larges allées du grand détaillant.