En fermant ses dépanneurs des rues Saint-Denis (angle Beaubien) et Jean-Talon (coin D'Iberville), Alimentation Couche-Tard (T.ATD.B) n'a agi qu'avec une seule intention: «gérer efficacement son réseau», a plaidé l'avocat de l'entreprise devant la Commission des relations du travail (CRT), hier.

Me Benoît Larose a insisté sur le fait que Couche-Tard est une entreprise décentralisée qui fonctionne avec des business units, un modèle d'affaires qu'il estime incompris. "Ça veut dire que chaque unité d'affaires doit atteindre ses objectifs financiers. Or, ça dit dans les journaux que la CSN négocie avec Couche-Tard, qui fait de l'argent. Nous devons toujours rétablir les faits: la CSN négocie avec un dépanneur, pas avec une compagnie présente aux États-Unis et ailleurs dans le monde.»

Le point de vue de Couche-Tard a mis fin aux deux journées de plaidoiries dans cette affaire hautement médiatisée depuis 18 mois. On devrait donc savoir d'ici 90 jours si Couche-Tard est reconnue coupable d'avoir violé le Code du travail en fermant deux dépanneurs, d'avoir entravé le travail du syndicat, d'avoir intimidé des employés et de les avoir menacés. Le commissaire Alain Turcotte n'exclut toutefois pas la possibilité de demander une prolongation, vu la complexité de l'affaire qui englobe trois plaintes (les deux fermetures et la vidéo dans laquelle le président, Alain Bouchard, s'adresse à ses employés).

«On ne peut pas prétendre que les actions de Couche-Tard ont enfreint le Code du travail», a soutenu Me Larose, invitant le juge à ne pas «tomber dans le piège de l'inférence», à ne pas «overlaper les événements» et à s'en tenir aux faits.

Situation financière

Pour justifier les fermetures à l'origine du litige, Couche-Tard a voulu démontrer qu'elles n'étaient pas précipitées, mais bel et bien envisagées depuis un certain temps. Pour mesurer la rentabilité de ses dépanneurs, l'entreprise de Laval utilise le bénéfice avant intérêts et impôts (EBIT, en anglais). «L'EBIT sur Jean-Talon plongeait de façon importante, il était bas, instable, chancelant», a affirmé Benoît Larose. Dans ce contexte, les hausses de salaire demandées par le syndicat étaient «trop élevées».

Rue Saint-Denis, «il y avait des frais fixes qui ne pouvaient être réduits d'aucune façon. Alors, il ne restait qu'une seule option: fermer», a indiqué l'avocat, faisant allusion au loyer que Couche-Tard aurait tenté en vain de renégocier à la baisse.

Face aux critiques sur la façon dont les établissements ont été fermés (sans que les employés soient prévenus), Me Larose a jugé que c'était un élément «non pertinent». «C'est fait le soir d'une façon efficace et efficiente. On ne peut pas, avec des camions, faire ça en pleine heure de pointe.»

Liberté d'expression

En ce qui concerne la vidéo dans laquelle Alain Bouchard affirme que «tous les scénarios devraient être envisagés» advenant «l'augmentation importante des coûts causée par un syndicat», le représentant de Couche-Tard a fait valoir que le PDG avait le droit de s'adresser à ses employés et qu'il ne les a jamais menacés. «Deux droits s'affrontent: le droit d'association et la liberté d'expression», a-t-il résumé.

L'avocat a par ailleurs reproché à la CSN, qu'il a qualifiée de «machine capable de gérer l'opinion publique», d'avoir utilisé les médias comme «des alliés puissants».

Couche-Tard est le plus important exploitant de dépanneurs au Canada et aux États-Unis avec 6198 points de vente et 60 000 employés. L'entreprise compte aussi 2287 stations-service en Europe et 4200 magasins franchisés en Asie. Pour le trimestre terminé le 21 juillet, les ventes ont atteint 8,9 milliards de dollars (+ 48%), et le bénéfice net s'est chiffré à 255 millions (+ 147,8%).