Même si les prix à la Société des alcools du Québec (SAQ) sont trop élevés au goût de certains Québécois, il n'y aura pas de recours collectif contre la société d'État à ce sujet. Le monopole ne fait qu'agir selon la volonté du législateur et ses marges de profit n'exploitent personne, tranche la Cour supérieure en rejetant la requête.

Jugeant les marges de profit de la SAQ déraisonnables et abusives, Jean-René Jasmin avait demandé à la Cour d'autoriser un recours collectif au printemps 2012. Il espérait, entre autres, que le détaillant retourne plus de 2,4 milliards de dollars à ses clients.

Ce consommateur, qui a l'habitude d'acheter son vin au Québec, avait constaté, au cours d'un voyage en Floride, que le prix des bouteilles y était plus bas. Cette observation lui a fait dire «qu'il n'en avait pas assez pour son argent» à la SAQ. Sans remettre en cause la légitimité du monopole d'État, il proposait toutefois d'en limiter à 30% les marges bénéficiaires brutes.

La SAQ se défend

La société d'État n'avait pas pris cette attaque à la légère. L'hiver dernier, on apprenait dans Le Soleil qu'elle avait embauché l'un des plus brillants avocats plaideurs au pays, Gérald R. Tremblay, du cabinet McCarthy Tétrault, pour défendre ses pratiques commerciales. «Nous respectons la décision rendue», a commenté hier le porte-parole de la SAQ, Renaud Dugas, dans un courriel laconique.

Ce que le requérant reproche à la SAQ, c'est d'«avoir facturé les produits qu'elle vend aux consommateurs du Québec à des prix trop élevés par rapport à leurs coûts d'acquisition, faisant en sorte que la disproportion entre les deux, et les bénéfices qui en ont résulté, seraient tellement considérables qu'ils équivaudraient à de l'exploitation du consommateur».

Il lui reproche aussi qu'elle soit «en situation de plein monopole sans balises indépendantes contrairement à Hydro-Québec, par exemple, dont les tarifs chargés aux consommateurs sont soumis à un contrôle indépendant, celui de la Régie de l'énergie».

Les objectifs du requérant étaient: de «sanctionner une politique de facturation de prix disproportionnés et une pratique de commerce monopolistique abusive»; «que des 3,5 milliards en bénéfices nets générés par la SAQ durant cette période [2009 à 2011], près de 2,4 milliards soient retournés aux clients de la SAQ, plus une somme forfaitaire indéterminée à titre de dommages punitifs»; et «que les bénéfices et prix élevés de la SAQ soient ramenés à des niveaux se rapprochant de ceux qui seraient [en vigueur] en l'absence de tout monopole, à défaut de quoi il faudrait conclure que la SAQ abuse de son statut de monopole».

Point de vue du tribunal

En donnant le monopole à la SAQ, «le législateur savait, voulait et permettait expressément à la SAQ de générer des niveaux de bénéfices qui n'auraient jamais pu se réaliser [autrement]», d'autant plus qu'il savait que «ces bénéfices étaient destinés à garnir les coffres de l'État».

Le fait que la SAQ utilise son statut de monopole «pour générer des marges bénéficiaires beaucoup plus élevées que dans un contexte non monopolistique [...] n'est que la résultante directe de la volonté du législateur» et est conforme à la loi.

«Il n'appartient pas au Tribunal de se prononcer sur les avantages et les inconvénients du choix fait par le législateur de maintenir un monopole de marché [et de] lui avoir accordé la liberté de fixer les prix des produits soumis à son contrôle».