Loblaw ne devrait pas avoir trop de mal à obtenir le feu vert du Bureau de la concurrence pour acquérir Shoppers Drug Mart/Pharmaprix, ce qui enrage l'Association des consommateurs du Canada.

Trois experts consultés par La Presse Affaires prédisent que l'organisme fédéral ne bloquera pas la transaction. Tout au plus pourrait-il forcer Loblaw à se départir de certains magasins de façon à renforcer certains concurrents.

Tous contre Target

«Le Bureau pourrait adopter le point de vue selon lequel il s'agit de secteurs d'activité distincts et que même s'il y a des chevauchements entre elles, les deux entreprises sont fondamentalement différentes. De plus, elles sont toutes deux confrontées à l'arrivée de Target, qui fera en sorte que le marché demeurera très concurrentiel», commente Tom Ross, professeur spécialisé en réglementation de la concurrence à l'Université de la Colombie-Britannique.

Mihkel Tombak, professeur de stratégie à l'école de gestion Rotman de l'Université de Toronto, fait remarquer que la transaction aura plus de répercussions dans certaines régions du pays que dans d'autres. En Ontario, par exemple, Shoppers domine largement le marché, alors qu'au Québec et en Colombie-Britannique, plusieurs détaillants se partagent le marché.

«Le nombre de petites pharmacies familiales décroît sans cesse, et je pense que c'est un phénomène qui devrait préoccuper le Bureau de la concurrence», affirme-t-il.

«Diminuer les coûts des soins de santé»

Le président exécutif du conseil d'administration de Loblaw, Galen G. Weston, a soutenu hier que le pouvoir d'achat accru de la future entité aura pour effet de «diminuer les coûts des soins de santé".

Bruce Cran, président de l'Association des consommateurs du Canada, n'en croit rien. «La transaction vise clairement à réduire la concurrence, alors pourquoi se traduirait-elle par des économies pour les consommateurs? C'est une déclaration très intéressée de la part de Loblaw.»

M. Cran pense que le Bureau de la concurrence «devrait avoir le cran» d'empêcher la transaction. «S'il ne le fait pas, les politiciens devraient s'en mêler et faire comme ils l'ont fait récemment [en bloquant l'acquisition de Mobilicity par Telus]", lance-t-il.

M. Ross note toutefois que la Loi sur la concurrence limite l'action du Bureau.

«Aux États-Unis, une transaction comme celle-ci ne pourrait probablement pas aller de l'avant si les autorités étaient d'avis que les consommateurs en souffriraient, explique-t-il. Au Canada, la loi est un peu différente: elle permet un équilibrage entre les intérêts des consommateurs et l'efficacité des marchés. Ainsi, même si l'on ne veut jamais que les consommateurs souffrent indûment d'une fusion, le Bureau peut autoriser des transactions qui produisent des synergies même si les consommateurs en paient un peu le prix.»

L'Ordre des pharmaciens dans l'attente

De son côté, l'Ordre des pharmaciens du Québec n'a pas l'intention de se pencher sur la transaction pour l'instant. «Si cette transaction-là, à l'usage, empêche le pharmacien d'exercer selon ce qui est prévu dans la loi, l'Ordre va s'y intéresser», soutient la présidente, Diane Lamarre.

Le Québec est la seule province où les officines doivent obligatoirement appartenir aux pharmaciens.