Les étiquettes «Made in Bangladesh» se multiplient chez les détaillants de vêtements d'ici, avec l'émergence de ce pays dans le marché mondial de la confection à faibles coûts.

Toutefois, cette émergence qui convient bien aux chasseurs de bas prix parmi les détaillants et les consommateurs comporte aussi des risques considérables.

D'abord, pour les travailleurs démunis du Bangladesh, comme le montre tristement cet autre effondrement meurtrier survenu jeudi dans une usine vestimentaire malfamée.

Mais c'est aussi un risque pour l'image d'un détaillant ou d'une marque vestimentaire, lorsqu'ils se trouvent liés à de tels événements provoqués par l'insouciance et la négligence graves de certains manufacturiers au Bangladesh.

Or, c'est ce qui se passe ces heures-ci avec la filiale de boutiques vestimentaires Joe Fresh du géant canadien de l'alimentation Loblaw [[|ticker sym='T.L'|]], qui détient aussi les bannières Provigo et Maxi au Québec.

Le problème? Peu après l'effondrement meurtrier de l'usine au Bangladesh, l'enseigne Joe Fresh de vêtements de base à bas prix a été identifiée publiquement parmi les clients de cette usine effondrée.

Ce lien a forcé Loblaw à publier jeudi un bref communiqué de condoléances à l'endroit des victimes au Bangladesh, tout en aidant son fournisseur à «comprendre comment nous pouvons l'aider en ces temps difficiles».

Et dès le second paragraphe, Loblaw affirme qu'elle a des normes pour ses fournisseurs concernant la «responsabilité sociale», notamment en matière de santé et sécurité pour ses travailleurs.

Est-ce que ce message suffira à limiter les dommages à l'image de la marque Joe Fresh? D'autant qu'il s'agit d'une division encore jeune de l'empire Loblaw, et dans laquelle il a investi des dizaines de millions de dollars en lancement et en promotion, partout au Canada et même jusqu'à New York! Les réponses à ces questions devront attendre.

Une leçon à tirer

Dans l'immédiat, parmi les détaillants vestimentaires au Québec, cette épineuse situation pour Joe Fresh et Loblaw s'avère une leçon sur les précautions à prendre dans ses relations commerciales avec des fabricants au Bangladesh.

«Même si nous ne faisons pas affaire directement avec des fabricants au Bangladesh, nous demandons à nos fournisseurs-importateurs de s'engager par écrit à vérifier le respect des normes locales de travail dans les usines où ils s'approvisionnent pour nous», indique Catherine Venne, directrice aux ventes et au marketing au groupe L'Aubainerie/Croteau, une chaîne québécoise de magasins de vêtements à petits prix.

N'empêche, quand La Presse lui a résumé les ennuis de Joe Fresh avec cette autre catastrophe industrielle au Bangladesh, Catherine Venne n'a pas caché son étonnement. «Oh oh! Ça risque de leur nuire beaucoup.»

Réaction semblable au siège social montréalais du groupe vestimentaire Tristan, qui compte 60 magasins de prêt-à-porter abordable au Québec, en Ontario et à Calgary. Tristan a aussi en Estrie deux usines de confection des complets, tailleurs et uniformes d'entreprises en vente exclusive.

«La situation chez Joe Fresh démontre pourquoi nous essayons de nous tenir loin ou d'être très vigilants à l'égard de certains fournisseurs situés dans des pays comme le Bangladesh. C'est essentiel pour protéger notre image de marque», commente Lili Fortin, directrice au développement des affaires chez Tristan et fille du fondateur, Gilles Fortin.

En fait, Tristan a déjà cherché de nouveaux sous-traitants au Bangladesh, il y a deux ans. Mais cette recherche est restée vaine «parce qu'à ce moment-là, nous n'avons pas trouvé de fabricants qui correspondaient à nos standards de qualité», a dit Mme Fortin.

Entre-temps, Tristan préfère s'en tenir à des sous-traitants industriels éprouvés en Chine, en Turquie et au Pérou, avec lesquels il dit maintenir de bonnes relations de contrôle de qualité.

«Nous espérons évidemment que les consommateurs le remarquent en magasin, qu'ils en tiennent de plus en plus compte dans leurs choix d'achats», conclut Lili Fortin.

L'expérience de Gildan porte ses fruits

En autant qu'on s'y efforce, il y a moyen de produire des vêtements à bas prix au Bangladesh de façon responsable tout en étant très concurrentiel sur le marché mondial.

C'est même une entreprise québécoise qui a une bonne démonstration ces temps-ci: Gildan [[|ticker sym='T.GIL'|]], un géant des t-shirts et des vêtements sport avec 1,9 milliard US en chiffre d'affaires et 4,9 milliards CAN en valeur boursière.

Depuis trois ans, Gildan a une filiale industrielle au Bangladesh, Shahriyar Fabric Industries, qu'elle a acquise pour 15 millions US. Il s'agit en fait d'un site industriel intégré, du tissage de tissus jusqu'à la confection. Il regroupe 2000 employés avec une capacité de production de 3 millions de douzaines de t-shirts par an, que Gildan envoie vers sa clientèle croissante en Asie et en Europe.

Pour en arriver là, et de façon «socialement responsable», Gildan a transplanté au Bangladesh les pratiques de bonne gestion qu'el le a éprouvées à son principal site manufacturier, au Honduras.

Ce c ampus industriel regroupe 20 000 employés dans 10 usines, du tissage jusqu'à la confection de bas et de vêtements sport de base. «Nous avons envoyé une équipe de gestionnaires du Honduras à notre nouvelle filiale au Bangladesh pour l'élever rapidement à nos normes de conditions de travail. Quelques-uns d'entre eux y sont encore pour s'assurer d'une bonne continuité», relate Geneviève Gosselin, directrice aux communications corporatives chez Gildan, au siège social de Montréal.

«Avec notre longue expérience comme employeur dans des pays en développement, ça fait désormais partie de notre culture d'entreprise : implanter et gérer de bonnes conditions de travail dans les pays où nous sommes.»

Au Bangladesh, malgré son expérience encore limitée, la façon de faire de Gildan semble por ter ses fruits . L'entreprise doit y investir afin de répondre à la demande croissante pour ses t-shirts de ses nouveaux clients en Asie et eu Europe.