Le géant québécois des dépanneurs, Alimentation Couche-Tard (T.ATD.B), dit demeurer à l'affût d'acquisitions même s'il doit encore digérer son achat d'un gros détaillant du nord de l'Europe, réalisé l'an dernier pour 2,58 milliards.

Cette vigile d'acquisitions reste toutefois très ciblée et sans doute à petite échelle, ont indiqué les dirigeants de Couche-Tard lors de la divulgation des résultats trimestriels.

«Les multiples (de coûts d'achat) sont élevés en Amérique du Nord. Et ils le sont encore en Europe malgré la conjoncture économique dans cette région. Néanmoins, aux États-Unis, il y a des possibilités d'acquisitions de petites chaînes régionales» a expliqué Alain Bouchard, président et chef de la direction.

Dans l'immédiat, toutefois, c'est l'intégration plus complète de la nouvelle filiale nord-européenne, Statoil Fuel&Retail (SFR), dans les résultats de Couche-Tard qui attire l'attention des investisseurs et des analystes. Et à ce titre, ils ont été un peu déçus par les résultats annoncés hier, un tantinet inférieurs aux attentes déjà élevées.

Recul du titre

En Bourse, les actions de Couche-Tard, fortement transigées à plus d'un million d'unités, ont reculé de près de 6% en début de séance peu après l'annonce des résultats. Elles ont terminé en baisse moins prononcée de 2,25% à 54,34$, mais à un prix encore en hausse de 67% depuis un an!

Dans les résultats annoncés par Couche-Tard, ses revenus totaux et son bénéfice d'exploitation affichent des bonds spectaculaires de 75% et de 88% en un an, en reflet de l'achat de SFR. Mais c'est au niveau du bénéfice net que les actionnaires et analystes sont restés sur leur faim. Car à 75 cents par action, même en hausse annualisée de 56%, le bénéfice net s'est avéré inférieur de 13% environ à la moyenne des prévisions d'analystes.

D'où vient cet écart? D'une part, les marges nettes de ventes de carburant furent plus faibles que prévu aux États-Unis.

D'autre part, les coûts d'intégration et de financement de l'énorme acquisition de SFR depuis juin 2012 s'avèrent un peu plus chers que prévu.

L'écart demeure relativement faible et à court terme. Mais il est apparu suffisant aux analystes pour qu'ils demandent aux dirigeants de Couche-Tard de refaire le point sur les «économies de synergie» attendues pour la rentabilisation de l'achat de SFR.

À tour de rôle, Alain Bouchard et son principal adjoint, Raymond Paré, vice-président et chef de la direction financière, ont dû réitérer leur confiance envers leur objectif d'économies annualisées de l'ordre de «150 à 200 millions d'ici septembre 2015» avec SFR.

Ils ont toutefois décliné de fournir des résultats comparatifs plus complets chez SFR entre l'avant et l'après-acquisition, plaidant l'attente d'un «cycle complet» de résultats financiers, c'est-à-dire plus d'un exercice après l'acquisition.

Performance

Entretemps, de l'avis d'analystes, les résultats de Couche-Tard montrent qu'il demeure très performant dans son exploitation malgré les «défis dans toutes les régions» auxquels ont fait référence ses dirigeants.

Aux États-Unis, Couche-Tard subit l'impact d'une guerre de prix dans les produits du tabac. Mais en excluant ces produits, les ventes des magasins comparables (ouverts depuis plus d'un an) s'affichent en hausse de 2,6% sur une base annualisée.

Au Canada, cette même mesure s'est établie à 1,7% lors du trimestre terminé le trois février, un résultat avantageux par rapport au ralentissement du commerce de détail depuis des mois.

Couche-Tard a aussi maintenu une légère hausse de ses marges bénéficiaires des deux côtés de la frontière. Ce qui, de l'avis de Jim Durran, analyste des détaillants chez Barclays Bank à Toronto, reflète une meilleure gestion des approvisionnements et de l'offre en magasins.

À cet effet, les dirigeants de Couche-Tard ont réaffirmé leur «priorité à la vente de produits frais ainsi qu'à l'innovation.»

Mais pour l'analyste Derek Dley, de Canaccord Genuity, malgré la bonne gestion constatée chez Couche-Tard, ses actionnaires devront endurer de la volatilité en Bourse pendant les quelques trimestres que durera l'intégration de SFR en Europe du Nord.

D'ici là, l'analyste estime que Couche-Tard demeurera fidèle à sa stratégie de croissance, d'autant qu'il a encore pour un peu plus d'un milliard de dollars en moyens financiers.

«La stratégie à long terme de Couche-Tard est d'être le principal consolidateur dans son marché. Il a le bilan pour le faire et je m'attends à ce qu'il soit pas mal actif au cours des six à 12 prochains mois», selon M. Dley.

Depuis l'achat de SFR l'an dernier, Couche-Tard regroupe 8,467 points de vente en Amérique du Nord et en Europe. Il exploite aussi 4,150 dépanneurs sous licence de Circle K en Asie, au Mexique et aux Émirats arabes unis.

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ALIMENTATION COUCHE-TARD EN CHIFFRES

Pour le troisième trimestre clos le 3 février:

Ventes totales 11,57 milliards US (+75% en un an)

Bénéfice d'exploitation 209,3 millions US (+88% en un an)

Bénéfice net 142,5 millions US (+64% en un an)

Bénéfice net par action 0,75$US (+56%)

Actif 10,5 milliards US (+135% en un an)

En Bourse:

Capitalisation 10,2 milliards (actions A et B)

Cours (ATD.B) 54,34$ (- 2,3% mardi, +67% en un an)

Rendement en dividende 0,5%

Multiple cours/bénéfice 16 fois

Recommandations d'analystes 9 acheter/3 conserver/1 vendre

Prix-cible un an 57,50$

Sources: Couche-Tard, Bourse de Toronto, Bloomberg

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LE COMMERCE DE DÉTAIL AU QUÉBEC

Le commerce est un des secteurs les plus importants de l'économie québécoise. Il représente près du quart de tous les emplois de la province. Ce secteur comprend notamment les détaillants de voitures, les magasins d'alimentation, les quincailleries, les pharmacies, les magasins de meubles, de vêtements et d'électroménagers, ainsi que les librairies.

438 000

Nombre d'employés

56 000

Nombre d'établissements

103,9

milliards de dollars

Ventes

79,4 milliards de dollars

Ventes si on exclut le commerce des automobiles

Source: Conseil québécois du commerce de détail