Ventes, bénéfices, marge: Hermès a signé en 2011 la plus belle année de son histoire en pulvérisant ses records au-delà des attentes, porté par l'intarissable demande asiatique pour le luxe mais freiné aussi par son manque de capacités de production.

L'année a été «exceptionnelle» à tous niveaux pour le sellier du Faubourg-Saint-Honoré et célèbre fabricant des carrés de soie.

Les ventes ont atteint 2,84 milliards d'euros et pourraient franchir les 3 milliards en 2012. Le bénéfice net a doublé en deux ans et avoisine les 600 millions d'euros. La rentabilité a grimpé à 31,2% des ventes, là où nul ne l'attendait, meilleur score depuis l'entrée en Bourse en 1993. Et le résultat opérationnel brille encore plus que prévu.

La maison familiale, qui profite aussi de la vente de ses parts dans Jean Paul Gaultier à l'espagnol Puig, va du coup verser un dividende généreux et «exceptionnel» à ses actionnaires (très majoritairement familiaux), soit 7 euros par action au total. Il déboursera ainsi près de 740 millions d'euros, dont quelque 160 millions pour LVMH qui détient 22,28% du capital.

À la Bourse de Paris, le titre Hermès a gagné 2,27%, à 249,80 euros en clôture.

«Nous fabriquons de beaux objets... je le dis avec fierté, surtout pour les artisans qui les font, c'est là la seule vraie explication» du succès, a estimé Patrick Thomas, patron de la maison née en 1837. «L'objet Hermès est un objet unique».

Et si convoité que les listes d'attente s'allongent dans le monde, pas seulement pour les célèbres sacs Kelly ou Birkin.

Victime de son succès, Hermès n'arrive pas à satisfaire la demande. «Nous avons accepté une grosse limitation de croissance» en 2011, a dit M. Thomas. Si la maroquinerie n'a progressé «que» de 11,5% en 2011, c'est à cause de «capacités de production limitées», qui affectent aussi les textiles.

«Nous allons faire un énorme effort pour nous adapter le plus vite possible. Nous irons aussi vite que nous pourrons». Les ateliers recrutent à plein. Deux manufactures vont notamment ouvrir à Montbron (Charente Maritime) et Fitilieu (Isère). «Il va y avoir un gros accroissement dès mai de l'impression à Lyon» des soies, spécialité locale.

La formation d'artisans prend du temps, deux ans en moyenne pour la maroquinerie. Hermès, qui emploie 9.000 personnes dans le monde, a créé 715 emplois nets en 2011 dont la moitié en France, l'essentiel en production. 750 créations sont prévues en 2012.

Car les ventes galopent pour le sellier. Elles ont bondi partout en 2011, surtout en Amérique et en Asie, et dans toutes les divisions (maroquinerie, vêtements et accessoires, soie et textiles, bijouterie, horlogerie, arts de la table).

Le «formidable atout» de Hermès est que «nous vendons autant aux femmes qu'aux hommes», note Patrick Thomas.

Plus de la moitié de la clientèle est désormais asiatique. Le marché japonais fait autant que la France, l'Amérique est tonique et la Chine explose.

La marque Shang Xia, «Hermès chinois» lancé à Shanghaï fin 2010 et qui essaimera en fin d'année à Paris, démarre d'ailleurs «très bien», avec un chiffre d'affaires d'un peu plus de 2 millions d'euros et une vocation mondiale, selon M. Thomas.

Pour 2012, Hermès vise au moins 10% de mieux côté ventes. En raison du renchérissement des matières premières notamment, la marge sera un peu moins bonne qu'en 2011, mais meilleure qu'en 2010 (27,8%). Et les prix augmenteront de «près de 3%».

Objectif: être suffisamment rentable pour «assurer l'indépendance» de la maison, a lancé M. Thomas. «L'entrée d'un tiers dans le capital, qu'il s'appelle LVMH ou Tartempion, n'a pas changé d'un iota notre vision ou notre stratégie».

Hermès, qui se présente en artisan familial raffiné, ne veut toujours rien avoir à faire avec le groupe de Bernard Arnault, vu comme un industriel du luxe en quête d'abondance.

«Si je m'appelais LVMH, j'essaierais d'acheter Hermès», a toutefois concédé M. Thomas.