Des injections de botox à 64% de rabais. Un souper romantique pour une bouchée de pain. Un week-end de luxe à Tremblant à la moitié du prix. Les sites de coupons virtuels promettent des économies irrésistibles, ce qui tombe à point nommé après les folles dépenses des Fêtes. Mais quel est le traitement réservé aux consommateurs? Et quelles sont les retombées pour les commerçants? Nos journalistes ont mené leur enquête non scientifique.

Le restaurant Le Plaza est invitant, avec sa vaste salle à manger, ses plafonds hauts et son décor rétrochic. Mais son emplacement, sur un tronçon peu fréquenté de la Plaza St-Hubert, dans Rosemont, n'est pas le plus couru en ville.

Pour attirer la clientèle, les tenanciers du Plaza ont proposé une offre groupée en avril. En achetant un coupon au prix de 15$ sur le site Promo du Jour , exploité par LesPAC, les clients avaient droit à 35$ en nourriture et en boissons. «On a vendu 600 forfaits, dit Josée-Ann Landry, maître d'hôtel. Cela a attiré une clientèle qui ne se serait pas déplacée sur la Plaza.»

L'établissement a connu un sommet d'activité. Mais qu'en est-il des retombées à plus long terme? Josée-Ann Landry estime qu'entre 10 et 15 clients sont devenus des habitués. Une expérience «très, très positive», estime-t-elle en rétrospective.

En l'espace d'un an, les sites d'offres groupées se sont multipliés au Québec. Après Groupon et Tuango, une dizaine d'autres sites sont apparus, dont LivingSocial Deals, vieurbaine.com, Le Renard, I Love MTL et SwarmJam. Ces sites envoient à leurs abonnés des offres par courriel qui couvrent un éventail surprenant de produits et de services. Sont offerts, à une fraction du prix, des séances de photorajeunissement, des cours de pole dancing, des sessions de yoga, du blanchiment des dents, des nettoyages de tapis...

Avec ces promotions, les commerçants font peu d'argent, voire travaillent à perte. Leur but: faire connaître l'entreprise auprès d'un vaste public et fidéliser de nouveaux clients. S'il n'existe pas de statistiques fiables sur le sujet, les marchands à qui La Presse Affaires a parlé ont connu des expériences positives comme décevantes.

En avril, Jasmine Gercke a proposé «Un mois de cours de yoga Bikram illimité», elle aussi sur le site Promo du jour. Cette offre d'une valeur de 166$ était soldée à 29$. «J'ai eu environ 200 abonnements, affirme la propriétaire. C'est pas mal.»

Combien ont renouvelé leur abonnement? Il est trop tôt pour le savoir, puisque l'offre était valable jusqu'en décembre. N'empêche, Jasmine Gercke a déjà relancé pareille promotion, cette fois avec Renard.ca (détenu par Propriétés Numériques Square Victoria, dans laquelle Power Corporation détient des intérêts).

«Comme le centre est situé à Mont-Royal, la clientèle était naturellement plus anglophone, explique Jasmine Gercke. En m'associant à Lespac.com et à Renard.ca, je souhaite attirer une clientèle francophone.»

Marketing nouveau

David Aouizerate, copropriétaire du restaurant La Troïka, institution de la rue Crescent, est devenu un abonné de ces offres groupées, qui ont remplacé ses publicités à la radio et dans les journaux. Ces derniers mois, il a lancé six promotions virtuelles avec différents fournisseurs.

En période de promotion, ce restaurateur offre un deuxième service, pour que les clients puissent obtenir une réservation dans un délai raisonnable. «Si vous n'êtes pas prêt, il vaut mieux ne pas le faire, dit David Aouizerate. Sinon, vous risquez de couler votre business.»

Sa première promotion coïncidait avec le lancement d'un nouveau menu Zakouski, grâce auquel les clients peuvent déguster, à volonté, une vingtaine de petits plats typiques de la cuisine russe. Il n'offre que ce menu en promotion, et non pas l'ensemble de la carte, pour simplifier la gestion et assurer la qualité de la prestation.

Ce menu est offert à 35$ pour deux personnes, plutôt que 70$. «L'argent ne se fait pas à la première visite, mais à la deuxième, alors il faut que l'expérience soit bonne», dit ce restaurateur.

À vue de nez, estime David Aouizerate, 90% des personnes qui se présentent avec un coupon sont de nouveaux clients qui recherchent à la fois les aubaines et la découverte. Ce sont des clients de tous âges, des jeunes comme des septuagénaires. Et le quart de ceux-ci reviennent une deuxième fois.

Le Dr Arie Benchetrit, de la clinique de chirurgie plastique Cosmedica, à Pointe-Claire, a récemment lancé une promotion de 125$ pour 25 unités de Botox sur Tuango, un rabais de 64% sur le prix régulier de 350$. Il s'agit de sa troisième promotion depuis la fin de l'été. Mais il réserve encore son jugement.

Ces offres ont suscité une trentaine de ventes la première fois, une centaine la deuxième fois et près de 60 cette fois-ci. Seules les nouvelles clientes sont acceptées, et les rendez-vous sont fixés dans les heures creuses, comme le mercredi matin.

«Ce n'est pas comme un restaurant, note le Dr Benchetrit. Tout le monde veut économiser de l'argent, mais on ne veut pas confier son visage à n'importe qui.»

Comme le Botox fait effet pendant de trois à six mois, ce plasticien saura bientôt si ses promotions ont fidélisé de nouvelles patientes. «Si elles ne reviennent pas, nous allons arrêter cela. Nous ne gagnons pas un sous avec cela.»

Comme ces commerçants et professionnels le savent, la concurrence est de plus en plus féroce entre les sites d'offres groupées. Dès qu'un marchand lance une promotion avec l'un, il est quasi assuré de se faire solliciter à répétition par les autres.

«Si vous saviez le nombre de gens qui nous ont approchés, on reçoit au moins un appel chaque semaine!», dit Karine Raymond, propriétaire du studio de yoga Espace Mukti, qui a fait deux promos depuis le printemps.