Le détaillant américain Target (TGT) a commencé l'embauche de centaines d'employés pour ses futurs magasins de grande surface au Canada alors qu'au Québec, les salariés des magasins Zellers qui seront convertis ignorent si leur emploi sera préservé selon la législation québécoise.

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Des dizaines de salariés non syndiqués des 19 magasins Zellers font partie du premier lot de 125 emplacements choisis par Target, dans la foulée de son rachat pour 1,8 milliard de dollars en février de la plupart des baux de Zellers à la grandeur du Canada.

Target annoncera bientôt les autres Zellers à convertir afin de se rendre à son objectif de 135 magasins à partir de 2013.

Au chapitre du personnel, Target prévoit embaucher de 150 à 200 personnes par magasin, en plus des 500 employés prévus à son siège social canadien ouvert récemment en banlieue de Toronto.

À terme, Target Canada emploiera au moins 20 000 personnes au Canada, dont quelque 3000 dans la vingtaine de magasins attendus au Québec.

Pour ce recrutement, Target a décidé de procéder surtout par des offres d'emploi sur son site internet (www.target.ca).

Inauguré hier, ce site ne propose encore qu'une soixantaine de postes situés surtout à son nouveau siège social canadien. Pour les futurs emplois en magasins, Target amorce son appel de candidatures sur son site internet même si ces postes ne seront comblés qu'à partir de l'an prochain.

Entre-temps, une centaine de magasins Zellers à convertir, dont au moins 19 au Québec, auront été fermés et leurs centaines d'employés licenciés sans assurance de réembauche par Target.

Or, cette situation attire déjà l'attention des autorités des normes du travail au Québec ainsi que des syndicats du commerce de détail.

La raison? Des normes du travail spécifiques au Québec à propos de la continuité d'activités comparables malgré un changement d'employeur pourraient obliger Target à embaucher les employés des magasins délaissés par Zellers.

Une rencontre à ce sujet a déjà eu lieu en mai entre la ministre du Travail du Québec, Lise Thériault, des avocats de la Commission des normes du travail et deux vice-présidents de Target venus du siège social aux États-Unis.

Target a mis en doute une obligation éventuelle au Québec d'embaucher les employés de Zellers parce que sa transaction d'origine ne serait qu'immobilière (les baux de Zellers), et non l'achat d'une entreprise en exploitation.

Chez l'un des plus gros syndicats du commerce de détail au Québec, les TUAC, on se prépare à contester cette interprétation de la loi québécoise. Des rencontres d'information ont lieu ces jours-ci avec les employés des magasins Zellers déjà visés par Target.

«Même s'ils ne sont pas syndiqués, nous les informons de notre capacité à les soutenir pour qu'ils portent plainte (à la Commission des normes du travail) lorsqu'ils auront confirmation de leur mise à pied par Zellers et de l'absence de réembauche par Target», explique Tony Filato, directeur du local 500 du syndicat TUAC.

«C'est déplorable que Target s'implante au Québec et tente de détourner les lois en se débarrassant des employés de Zellers. C'est même effrayant que Target dise à ces employés de 15, 20 et 25 ans d'expérience de se mettre en ligne comme tout le monde pour demander un emploi, sans aucun respect de leur ancienneté.»

Target Canada n'a fait aucun commentaire au moment de mettre sous presse hier.

À la Commission des normes du travail, on se déclare prêt à intervenir à la suite de plaintes d'employés licenciés par Zellers et boudés par Target. «Il y a toujours enquête et, en cas d'infraction, des procédures peuvent être intentées. Dans ce cas-ci, tout indique que le principe de la continuité d'activités comparables après un changement d'employeur pourrait être mis en cause», a résumé Jean-François Pelchat, porte-parole de la Commission.

Mais selon Michel Coutu, professeur en relations de travail à l'Université de Montréal, il faudra voir comment des employés non syndiqués de Zellers trouveront les ressources et le temps nécessaires pour entreprendre des démarches juridiques à l'endroit de Target.

«Même si les normes sont similaires entre syndiqués et non-syndiqués, ces derniers sont beaucoup moins impliqués dans des recours et il y a donc moins de jurisprudence qui les concerne», avertit M. Coutu.

Cela dit, en cas de procédures contre Target, il s'attend à ce que le principe légiféré de la continuité d'activités similaires prévale sur son argument d'une simple transaction immobilière avec Zellers.