Le projet de piétonnisation de la rue Masson est mort avant même d'avoir été testé. Les marchands de cette artère commerciale de l'arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie ont rejeté mercredi soir une proposition du maire François Croteau, qui souhaitait en faire un trottoir géant les fins de semaine.

Par un vote de 55 contre 11, des membres de la Société de développement commercial (SDC) Promenade Masson ont dit non au projet pilote de piétonnisation qui devait être lancé l'été prochain. La décision scelle le sort du plan, car le maire s'était engagé à donner le dernier mot aux marchands avant de le mettre à exécution.

Le bannissement des voitures et la disparition de dizaines de places de stationnement pendant les week-ends constituaient un risque trop important aux yeux des marchands, estime Dominique Bélanger, propriétaire de la quincaillerie Rona Bélanger, établie rue Masson depuis 1933. Dans son cas, peu de clients auraient souhaité transporter à pied des bidons de peinture ou des planches de contreplaqué.

«Ma crainte, résume-t-il, c'était que mes clients perdent patience et décident d'aller à l'extérieur du secteur.»

L'entrepreneur a voté contre le projet, mais il aurait été favorable à des mesures d'apaisement de la circulation qui auraient rendu l'artère plus conviviale pour les piétons.

François Croteau, lui, n'a pas caché sa déception face à l'issue du vote. Il reste convaincu que son projet aurait stimulé le commerce sur rue dans le secteur.

«Je pense que les commerçants se sont privés d'une belle occasion, a-t-il déploré. Il y a encore des locaux vacants et ça aurait permis d'attirer d'autres commerçants sur la rue.»

Il n'entend pas revenir à la charge avec un nouveau plan de piétonnisation. Pour lui, le dossier est clos.

Même les commerçants favorables à la mesure se doutaient du résultat du vote. Mais ils ont été surpris par l'ampleur du rejet.

«C'est bien beau d'empêcher les voitures de circuler, on est à Montréal, on est au Québec, on est en Amérique du Nord, a convenu Philippe Lisack, copropriétaire du restaurant M sur Masson. Les gens prennent leur voiture.»

Compromis

Le maire s'est fait élire en 2009 sur la promesse de transformer la rue Masson en trottoir en été, à l'instar de la rue Sainte-Catherine dans le Village gai et de la rue Saint-Paul dans le Vieux-Montréal. Mais les quelque 150 marchands qui tiennent boutique dans le secteur étaient peu réceptifs à cette idée. Plusieurs craignaient que le bannissement des voitures et des autobus ne repousse leur clientèle.

L'arrondissement a mené des consultations pendant un an et à la fin de mai et le maire a proposé un compromis. Les voitures devaient être interdites dans la rue Masson du vendredi au dimanche soir, entre la Fête nationale et la fête du Travail. Les autobus auraient continué de desservir la rue, se frayant un chemin à travers les piétons grâce à un marquage fabriqué sur mesure.

L'arrondissement s'engageait aussi à créer plus de places de stationnement autour de la rue Masson. Et pour rendre la formule plus attrayante, il allait diminuer les tarifs exigés aux restaurateurs qui déploient des terrasses.

La nouvelle mouture du projet a été appuyée par le conseil d'administration de la SDC et par plusieurs organismes de développement économique et communautaire. Mais cela n'a pas suffi pour apaiser les craintes des marchands.

«Il y a un lien avec ce qui se passe dans les autres artères piétonnes, où ça ne fonctionne pas vraiment pour les commerçants, estime Michel Séguin, commerçant qui siège au conseil de la SDC. Il y avait des commerces de proximité rue Sainte-Catherine auparavant et, maintenant, il n'y en a plus. Même des restaurants ferment.»