La SAQ est en voie de fermer une quinzaine de succursales moins rentables, une stratégie qui soulève de hauts cris un peu partout dans la province. Des élus, groupes communautaires et gens d'affaires s'élèvent contre la disparition de ces points de vente. Car, selon eux, ce sont de véritables moteurs pour l'économie locale.

La ville de Shawinigan a investi des millions de dollars pour refaire une beauté à son centre-ville. Mais le secteur fera peau neuve sans l'une de ses boutiques les plus achalandées. La Société des alcools du Québec (SAQ) a récemment fermé sa succursale de la 5e Rue, en plein coeur du secteur. La décision est survenue peu après l'ouverture d'un autre magasin à quelques kilomètres de là.

Des élus et des gens d'affaires locaux ont tenté de convaincre la SAQ de revenir sur sa décision. Le maire, Michel Angers, s'est même déplacé à Montréal pour plaider sa cause auprès de la haute direction, mais en vain.

«Comme société d'État, la SAQ devrait être une partenaire des municipalités et travailler avec nous à des projets de revitalisation au lieu de se concentrer strictement sur le rendement et l'efficacité», soutient M. Angers.

Le cas de Shawinigan n'est pas isolé. La SAQ songe aussi à fermer boutique à Lebel-sur-Quévillon, dans le Nord-du-Québec, ce qui obligerait les citoyens à parcourir 90 kilomètres pour gagner la succursale la plus proche, à Senneterre. Elle a aussi fermé un point de vente en plein coeur de Trois-Rivières, rue des Forges.

La SAQ repense également son réseau à Montréal: elle vient de plier bagage à L'Île-Bizard, au Westmount Square et, bientôt, au Forum Pepsi. L'entreprise cherche toutefois un nouveau local pour servir les résidants de Westmount. Plus au sud, les boutiques de la rue Centre, à Pointe Saint-Charles, et de la rue Monk, dans le secteur Émard, pourraient fermer leurs portes.

De 409 succursales en décembre dernier, le réseau de la SAQ pourrait passer à 396 en mars 2012, selon nos informations.

Réévaluation

La SAQ s'adapte aux besoins de sa clientèle, comme le fait n'importe quelle autre entreprise de détail, fait valoir sa directrice des affaires publiques, Isabelle Merizzi. La société d'État réévalue régulièrement la performance de ses succursales.

«On se déplace vers les grands endroits où les gens magasinent, résume Mme Merizzi. Et on ne s'est pas trompés jusqu'à présent.»

L'entreprise a réalisé que la clientèle a baissé dans les points de vente situés dans les centres-ville, des secteurs que les consommateurs fréquentent davantage pour se divertir que pour magasiner. Elle établit graduellement des points de vente en périphérie afin d'offrir plus de places de stationnement et des magasins de grande surface, deux caractéristiques prisées par sa clientèle. La stratégie lui permet aussi de se rapprocher des marchés d'alimentation.

Mais ce plan de match ne passe pas comme une lettre à la poste. Le syndicat qui représente les employés des magasins s'y oppose.

«Ce n'est pas tant les pertes d'emplois qui nous inquiètent que le service à la population, affirme la présidente, Katia Lelièvre. La SAQ a pour mission de bien desservir sa clientèle sur l'ensemble du territoire québécois.»

D'autres organismes montent maintenant au front. Le groupe communautaire Action-Gardien, très actif dans l'arrondissement du Sud-Ouest, a lancé une pétition pour convaincre la SAQ de rester dans la rue Centre. L'organisme a recensé une quinzaine de locaux commerciaux vacants sur cette artère. Selon lui, la disparition de ce commerce minerait les efforts des dernières années pour revitaliser le quartier.

«Un commerce comme la SAQ, ça fait qu'une personne qui va aller chercher une bouteille de vin va arrêter dans le magasin à côté pour louer un film ou passer à la quincaillerie», illustre Geneviève Grenier, d'Action-Gardien.

La société de développement commerciale (SDC) Plaza Monk, qui regroupe 160 marchands, a aussi lancé une pétition pour sauver la SAQ. La directrice de l'organisme, Hélène Toddy, affirme que la fermeture de la boutique provoquerait une perte de clientèle dans le secteur, un dur coup à la vitalité commerciale de l'artère.

«Quand on quitte, les commerces autour n'en souffrent pas, rétorque Isabelle Merizzi, de la SAQ. On n'est pas un commerce de proximité non plus. On est un commerce de détail et nous devons démontrer une saine gestion.»