La CSN suit la voie tracée par le jugement de la Cour suprême dans l'affaire du Walmart de Jonquière dans sa requête contre Couche-Tard, qui a fermé le mois dernier un dépanneur de la rue Saint-Denis.

En décembre 2009, le plus haut tribunal au pays a statué que la fermeture d'une entreprise pour des motifs antisyndicaux est illégale, et qu'à ce titre, elle ouvre la porte à des d'indemnités à verser aux employés ayant perdu leur emploi.

«Anciennement, on avait peut-être la propension à prétendre que l'employeur avait le droit absolu de fermer son entreprise. Les règles ont depuis été précisées par la Cour suprême, dit Me Alain Barré, professeur de droit du travail au département des relations industrielles de l'Université Laval. Chaque fois qu'il y aura des fermetures, il y aura des syndicats qui vont chercher à faire sanctionner ce geste.

«La Cour suprême nous a enseigné par quelle procédure (il faut procéder) à l'intérieur du Code de travail. Ça doit se faire en vertu d'une plainte pour entrave au sens de l'article 12», ajoute-t-il. Cet article dit qu'un employeur ne peut entraver la formation ou les activités d'association de salariés.

La Confédération des syndicats nationaux (CSN) a annoncé le dépôt hier d'une poursuite contre Couche-Tard auprès de la Commission des relations du travail (CRT), faisant suite à la fermeture définitive du dépanneur le 6 avril à 23 h 30.

La centrale est convaincue que le seul motif de la fermeture du commerce situé à l'angle des rues Saint-Denis et Beaubien était de tenter d'intimider les salariés qui souhaitaient exercer leur droit de former un syndicat.

Les 11 employés syndiqués CSN d'un dépanneur de Montréal réclament 1 million de dollars à l'entreprise. Couche-Tard a justifié la fermeture pour des raisons de non-rentabilité de l'établissement. Le syndicat a été reconnu le 12 avril par la CRT. Couche-Tard n'a pas voulu commenter la requête de ses ex-employés.

«La décision de la Cour suprême sur Walmart le dit très clairement. Le Code du travail n'empêche pas la fermeture même pour ne pas avoir de syndicat, dit Michel Grant, professeur associé en relations du travail à l'UQAM. Il ne peut pas avoir une décision pour la réouverture. Ce qui peut arriver, c'est qu'il y ait des plaintes individuelles pour essayer d'obtenir des dédommagements.»

Antisyndicalisme

Dans l'affaire Walmart, le syndicat a perdu parce qu'il avait utilisé la mauvaise procédure, souligne Me Barré. Il avait plaidé une violation par l'employeur de l'article 15 du Code du travail, soit le congédiement pour activités syndicales.

Dans sa requête, la CSN affirme que Couche-Tard a violé les articles 12, 13 et 14 du Code du travail, ainsi que l'article 3 de la Charte des droits et libertés de la personne sur la liberté d'association.

En vertu d'une requête en fonction de l'article 12, le fardeau de la preuve revient toutefois au syndicat, indiquent les professeurs. «La présomption ne joue pas en cas de fermeture, contrairement à l'article 15. C'est au syndicat de faire la preuve qu'il y a un lien de cause à effet entre le syndicat et la fermeture», précise le professeur Grant.

«Il ne revient pas à l'employeur de démontrer la non-rentabilité de son établissement», ajoute Me Alain Barré.

Pour chacun des employés, la centrale demande une indemnité d'un an de salaire, plus un mois de salaire par année de service chez Couche-Tard [[|ticker sym='T.ATD.B'|]]. Elle réclame aussi que soit versée, à chaque salarié, une somme de 35 000$ pour dommages moraux et une de 50 000 $ pour dommages exemplaires, estimant que l'entreprise a violé la loi.

En additionnant le tout, la somme réclamée est d'environ 1 million de dollars, dit Jean-Pierre Larche, responsable des communications à la CSN.