La présence syndicale n'est certes pas un gage de relations harmonieuses dans une organisation, soutient Françoise Bertrand, PDG de la Fédération des chambres de commerce du Québec, à qui on a demandé quelles pouvaient être les raisons pour lesquelles un employeur s'oppose à la syndicalisation de ses employés.

Mme Bertrand souligne que le monde du travail a évolué depuis les années 40 et 50 et que la présence d'un syndicat est rendue superflue dans bien des domaines.

«Les lois du travail au Québec sont très exigeantes et encadrantes. On a les normes du travail, on a la CSST, on a beaucoup d'éléments qui font en sorte que les rapports entre les employés et les employeurs sont extrêmement régis. À une époque, le syndicat était nécessaire dans certains milieux. Aujourd'hui, on n'est plus au pic et à la pelle. On a des milieux qui ont appris que pour aller plus loin dans les objectifs et atteindre les résultats, il y a une façon: c'est de travailler coude à coude avec ses employés.»

Ce serait le cas dans le commerce de détail, avec ses étudiants et les autres employés à temps partiel qui changent d'employeur fréquemment. Le taux de présence syndicale s'y élevait à 18,8% en 2010 selon le ministère du Travail, moins que la moyenne provinciale de 39,6%. Qui plus est, les marges bénéficiaires nettes sont de 1% dans les dépanneurs, ce qui ne laisse pas beaucoup de place à de futurs gains salariaux.

«Chez Couche-Tard [[|ticker sym='T.ATD.B'|]], les choses, à ma connaissance, vont très bien. C'est une entreprise qui se comporte de façon responsable. C'est un citoyen corporatif de haut niveau. Je ne vois pas ce qu'on peut réclamer par la présence d'un syndicat qui soit absolument nécessaire», ajoute Mme Bertrand.

Par ailleurs, le fait que des employés tentent de se syndiquer ne veut pas dire que quelque chose cloche, aux yeux de la représentante du monde patronal. «Il peut arriver qu'une ou deux personnes, pour des raisons idéologiques, soient en faveur d'une présence syndicale», dit-elle.

Le jeu n'en vaut pas la chandelle

Alain Barré, professeur de droit du travail de l'Université Laval, n'est pas de cet avis. «Quand un employeur m'arrive et me dit que ses employés veulent se syndiquer, je lui dit: interroge-toi! Il y a souvent des causes.»

Me Barré reste toutefois sceptique quant aux chances de succès de la CSN dans cette aventure à cause du roulement élevé du personnel dans les dépanneurs. Il s'attend d'abord à ce que la première convention collective soit imposée par arbitrage comme c'est arrivé chez McDonald's, à Rawdon, et chez Walmart, à Saint-Hyacinthe. Le vrai test viendra au renouvellement de la convention collective.

«Je doute de la capacité de la CSN à maintenir ses accréditations à long terme», dit le professeur, en ayant en tête l'exemple du Walmart de Saint-Hyacinthe qui s'est débarrassé du syndicat à la première occasion l'hiver dernier.

Quoi qu'il en soit, l'offensive de la CSN n'empêche pas de dormir les autres propriétaires de dépanneurs, selon Michel Gadbois, vice-président de l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation, qui a tenu son congrès cette semaine. «On a bien d'autres soucis dont s'occuper pour le moment», dit-il, en faisant référence aux pertes causées par la contrebande de tabac et par les frais de carte de crédit.