Pourquoi ne pas organiser une visite libre, dimanche prochain, du condo du 275, rue Saint-Jacques à Montréal, inscrit par Profusion Immobilier, une somptueuse propriété de 4,25 millions au comptoir de cuisine en onyx éclairé et aux moulures peintes à la feuille d'or ? «Jamais, pour des raisons de sécurité et pour éviter la présence de curieux ! répond Louise Rémillard, présidente et courtier immobilier agréé de Profusion. C'est une invitation aux problèmes. On trouve des tableaux magnifiques dans de telles résidences. De toute façon, à ce niveau, je ne crois pas qu'on achète une maison en visite libre.»

Profusion compte sur d'autres outils pour mettre en valeur une résidence à vendre et séduire les acheteurs de Montréal, Londres ou Mexico. Car on ne vend pas une maison de 4 millions comme une maison de 250 000 $. «On a tout un plan de marketing pour les propriétés haut de gamme, explique Louise Rémillard. Le programme Bespoke de Christie's International Real Estate (auquel Profusion Immobilier est affilié exclusivement) permet à la propriété d'être affichée bien en vue à ses bureaux londonien sur King Street et new-yorkais au Rockafeller Center.»

Pour une somme allant de 25 000 $ à 30 000 $, le vendeur s'assure de voir sa maison affichée dans les annonces de Christie's publiées dans les journaux du monde entier. Des adresses comme celle de la rue Saint-Jacques se retrouvent dans le catalogue haut de gamme de Christie's. «Tout le monde dans le circuit connaît cette propriété», dit Louise Rémillard.

Autrement, Profusion a un budget annuel dépassant le million de dollars pour afficher localement ses propriétés en magazine, dans les quotidiens et pour concevoir des livrets de 12 pages magnifiquement imprimés. On est loin des photos-passeport avec agents souriant ! «On fait de la publicité lifestyle», note Louise Rémillard.

Comme il faut parfois patienter deux ans avant de conclure une transaction, les courtiers de Profusion forcent aussi les coups de coeur en envoyant des inscriptions à quelques cadres et clients (Bombardier, Bell...) de Montréal. «Notre clientèle est composée surtout des gens d'affaires d'ici (à 90 %), dit Carl Rémillard Fontaine, vice-président et courtier immobilier de Profusion. Avec le dollar à parité, on a moins d'étrangers, car les entreprises ont diminué le transfert de cadres supérieurs. Mais on sent que ça revient.»

Pubs lifestyle jouant sur l'émotion, présentation de produits rarement en vente, mise en place de services personnalisés... Pourquoi ne vend-on pas le haut de gamme au même titre qu'un objet standard ? «Car on se comporte différemment devant des produits de luxe, répond Zean Nielsen, président de Bang & Olufsen en Amérique. La clientèle éduquée et en moyen réagit différemment. Elle va acheter quand elle est prête. Un rabais ne l'influencera pas !»

Invariablement, la pub inspire un style de vie. Ceci n'est pas une paire de boucle d'oreilles, c'est le moment où vous êtes tombé en amour... «Dans nos pubs (conçues par l'agence montréalaise Sid Lee), on veut transmettre ce que Birks évoque au client, mentionne Eva Hartling, directrice des relations publiques et des événements de Birks & Mayors. On rappelle que Birks est là pour célébrer les moments importants.»

Cela dit, si le pourcentage de gens fortunés, surtout au Québec, est faible, la pub des marques haut de gamme se permet de franchir les frontières de classes sociales. Ces dernières années, Bang & Olufsen a mis en marché une gamme de produits audio-visuels plus accessible, mais ses 700 magasins et points de ventes mondiaux (ventes annuelles de 410 millions CAN) recèlent toujours des téléviseurs à 20 000 $. «Notre clientèle-cible voyage internationalement, a des revenus annuels de plus de 150 000 $, a principalement de 36 à 54 ans, conduit des voitures européennes de luxe, a plusieurs maisons et cartes de crédit platine, énumère Zean Nielsen. Mais on communique à une clientèle plus large, car ceux qui font 100 000 $ veulent paraître en faire 200 000 $.»

«Le luxe a historiquement fonction de distinction sociale, souligne par ailleurs Marc Antoine Jarry, directeur exécutif, planification stratégique, d'Ogilvy & Mather Advertising Paris, responsable de la pub pour Bang & Olufsen. Donc si le luxe n'est pas reconnu par d'autres, une partie de sa fonction disparaît. On communique plus largement, car ceux qui voient des gens posséder telle marque la reconnaissent et voient ses utilisateurs se distinguer.»

Ogilvy & Mather crée aussi la pub de Louis Vuitton. Son statut de marque luxueuse par excellence doit la rendre audacieuse en plus de jouer sur l'émotion, croit le directeur exécutif Laurent Janneau. «Visuellement, on rend justice à la richesse de cette marque, dit-il. Ce sont des campagnes avec une grande qualité. On veut que chaque annonce invite au voyage émotionnel. Mais quand on travaille une telle marque, on doit être défricheur, surprenant et créer des collaborations inattendues pour le monde du luxe. Je pense à nos pubs avec Keith Richards, des cuisiniers renommés et nos défilés avec des artistes tatoueurs. Les grandes marques de luxe peuvent se permettre de dire : Qui m'aime me suive !»

Photo: André Pichette, La Presse