Après des mois d'efforts, le géant québécois des dépanneurs Alimentation Couche-Tard arrive à un tournant décisif de son projet d'acquérir l'américain Casey's General Stores.

De l'avis d'analystes, à moins de hausser encore son offre rendue à 2 milliards US, Couche-Tard pourrait subir un revers à l'assemblée des actionnaires de Casey's, jeudi prochain, à son siège social en banlieue de Des Moines, en Iowa.

Ces actionnaires se prononceront alors sur la proposition de Couche-Tard de remplacer le conseil d'administration de Casey's par des candidats favorables à son offre annoncée en avril dernier.

Mais, depuis jeudi, alors que Couche-Tard est déjà défiée par une offre supérieure à la sienne de la part du concurrent 7-Eleven, au moins quatre firmes d'analyses en votes d'actionnaires se sont prononcées contre sa proposition. Elles recommandent plutôt aux actionnaires de Casey's de réélire son conseil d'administration.

Ces firmes critiquent certains éléments de l'offre faite par Couche-Tard directement aux actionnaires de Casey's depuis avril, malgré le refus de négocier de son conseil.

Selon l'analyste Irene Nattel, spécialiste en commerce de détail chez RBC Marchés des capitaux, «Couche-Tard doit maintenant s'interroger sur ses chances par rapport au prochain vote des actionnaires (de Casey's), de même que sur la possibilité de succès de sa tentative de mainmise hostile».

Mme Nattel souligne aussi, dans sa plus récente note sur Casey's, que les critiques des analystes en votes d'actionnaires concordent avec ses vues que «l'offre de Couche-Tard à 38,50$US par action est inférieure à la valeur attribuable à Casey's».

Chez TD Newcrest, filiale boursière de la Banque TD, l'analyste montréalais Michael Van Aelst estime que Couche-Tard est désormais «limitée à deux choix» dans sa quête pour Casey's. «Soit qu'il augmente son offre au-delà des 40$US par action de l'offre informelle du concurrent 7-Eleven, avant l'assemblée de Casey's. Soit qu'il attende après le vote en assemblée pour se retirer», écrit l'analyse dans son plus récent avis sur Couche-Tard.

N'empêche, Michael Van Aelst dit s'attendre encore à une autre (troisième) majoration d'offre par Couche-Tard, d'une journée à l'autre.

Par ailleurs, il réitère sa «recommandation forte d'achat» des actions en raison de son bon potentiel de croissance, mais sans l'achat de Casey's.

«Ces actions pourraient coter autour de 29$CAN dans un an sur la seule base de ses possibilités de croissance interne», indique l'analyste à ses clients-investisseurs.

Au siège social de Couche-Tard à Laval, on ne semble pas prêt à jeter l'éponge dans le dossier Casey's, malgré le contexte défavorable des derniers jours.

«Nous serons présents à l'assemblée de Casey's», a-t-on répondu par courriel hier à une demande de commentaires de La Presse Affaires.

L'Iowa préoccupé

Pendant ce temps, en Iowa, où Casey's a son siège social et une partie de son réseau de 1500 dépanneurs, la tension monte envers le sort de l'une des entreprises les plus connues de la région.

«Casey's est une entreprise hautement considérée dans le milieu d'affaires ici. Mais c'est à eux de prendre la décision, et nous les soutenons en ce sens», indique Martha Willis, présidente du Greater Des Moines Economic Partnership, principal regroupement économique de la capitale de l'Iowa.

«C'est sûr qu'il y a un intérêt grandissant dans la région pour ce qui se passe chez Casey's. Presque tout le monde connaît ce détaillant et fréquente ses dépanneurs», remarque pour sa part Lynn Hicks, directrice de la section affaires au quotidien Des Moines Register.

«Dans plusieurs petites localités rurales du Midwest, avec leur déclin démographique, Casey's est souvent le seul détaillant de proximité en alimentation qui reste après la rationalisation des supermarchés», ajoute M. Hicks.

«Dans le milieu d'affaires de l'Iowa, il y a une appréciation particulière pour Casey's, parce que nous en avons peu d'entreprises de cette taille établies ici, et qui soient cotées en Bourse, poursuit-il. D'ailleurs, bien des parents du Midwest initient leurs enfants à l'économie et à la Bourse en leur achetant des actions de Casey's parce que tous les jeunes connaissent ce détaillant.»

Le titre de Couche-Tard a perdu près de 1% hier à la Bourse de Toronto, à 22,69$, tandis que celui de Casey's a gagné 0,6%, à 43,55$US, au NASDAQ.