La tension grimpe entre Alimentation Couche-Tard (T.ATD.B), géant québécois des dépanneurs, et sa nouvelle cible d'acquisition aux États-Unis, Casey's General Stores, de l'Iowa.

Une semaine après l'annonce d'une offre de 1,9 milliard US, vite rabrouée par le conseil d'administration de Casey's, ce dernier réplique en ajoutant une «dragée toxique» à son capital-actions.

Ce moyen de défense de Casey's, nommé «régime de droits des actionnaires» dans le jargon boursier, vise à augmenter considérablement le coût d'achat éventuel pour Couche-Tard.

Selon ce régime de droits, les actionnaires de Casey's pourraient acheter de nouvelles actions émises par le détaillant à un prix inférieur de moitié à leur valeur marchande en Bourse.

Ce mécanisme se déclencherait dès qu'un actionnaire accumulerait au moins 15% des actions en circulation du détaillant américain.

Ce genre de défense par dragée toxique est fréquent dans les situations d'offre d'achat jugée hostile par une entreprise ciblée.

«On s'y attendait de la part de Casey's. Même qu'on trouvait que ça tardait un peu, une semaine après l'annonce de notre intention d'achat», a indiqué Raymond Paré, vice-président et chef financier de Couche-Tard.

N'empêche, cette manoeuvre de défense de Casey's s'avère frustrante à court terme pour Couche-Tard. D'autant plus qu'elle risque de retarder ses ambitions de croissance aux États-Unis, où le détaillant québécois veut tirer profit de la fragmentation du marché des dépanneurs.

«Ça serait beaucoup plus bénéfique pour tous les intervenants de cette affaire, en particulier les actionnaires et employés des deux entreprises, que nous puissions nous asseoir avec le conseil de Casey's et négocier notre plan d'acquisition», a indiqué Raymond Paré, en entretien avec La Presse Affaires.

D'ailleurs, selon M. Paré, Couche-Tard et Casey's n'ont eu aucune discussion directe depuis leur échange de communiqués d'offre et de refus, le vendredi 9 avril dernier.

Il faut préciser que l'annonce de Couche-Tard demeure une intention d'offre d'achat pour Casey's.

Et c'est à défaut d'entente avec le conseil de Casey's que Couche-Tard pourrait transformer son intention en une offre publique d'achat à l'endroit de tous les actionnaires du détaillant américain.

Une telle offre déclencherait divers échéanciers réglementaires. Entre autres, elle imposerait un délai maximal pour Casey's afin de solliciter des offres concurrentes, ainsi qu'une période limite de dépôt de titres par ses actionnaires.

C'est à la suite de ce processus réglementé, s'il obtient un nombre suffisant d'actions de Casey's, que Couche-Tard pourrait conclure son acquisition.

Coût en hausse

Quant au coût final de cet achat éventuel, le vice-président de Couche-tard, Raymond Paré, a décliné tout commentaire sur la pertinence ou non de bonifier l'offre initiale à 36$US comptant par action.

«Nous entendons continuer avec notre plan de match, malgré le refus de négocier de Casey's», a-t-il indiqué.

Mais, du côté des analystes et des investisseurs boursiers, on prévoit une hausse de l'offre initiale. «La dragée toxique adoptée par Casey's retardera sans doute une transaction avec Couche-Tard. Mais surtout, elle rehausse la probabilité que Couche-Tard doive majorer son offre initiale», a commenté l'analyste Martin Landry, de Valeurs mobilières Desjardins, hier, après la confirmation de la défense mise en place par Casey's.

En Bourse, malgré les tumultes depuis vendredi, les investisseurs ont maintenu les actions de Casey's au-dessus des 39$US chacune. C'est une cote historique pour le détaillant basé en banlieue de Des Moines, en Iowa. Mais aussi 3$US de plus que le prix de 36$US annoncé par Couche-Tard.

S'il se concrétise, ce projet de Couche-Tard représenterait sa plus grosse transaction aux États-Unis depuis son achat de Circle K, en 2003.

En intégrant Casey's, qui est centré dans le Midwest, Couche-Tard verrait son réseau aux États-Unis grossir d'un tiers, à quelque 5350 dépanneurs. Son chiffre d'affaires total gonflerait de 3 milliards pour dépasser les 18 milliards US.