Un autre chapitre de la guerre judiciaire opposant Wal-Mart aux anciens employés de sa succursale de Jonquière vient de se conclure. Dans un jugement partagé rendu public hier matin, la Cour suprême du Canada a tranché que la fermeture de la branche saguenéenne du géant du détail quelques mois après la syndicalisation de ses employés était légale.

«Au départ, nous avons vécu une grande déception», a expliqué Louis Bolduc, adjoint exécutif au Syndicat des travailleurs unis de l'alimentation et du commerce (TUAC) qui représente les anciens employés de la succursale de Wal-Mart. «Mais elle s'est amoindrie à la lecture du jugement, qui ouvre la porte à d'autres recours. Bref, ça nous désole, mais ça trace clairement la voie pour ce qui s'en vient.»

Les 190 travailleurs du magasin Wal-Mart de Jonquière sont les premiers employés de la multinationale à s'être syndiqués en Amérique du Nord. L'entreprise a toutefois fermé ses portes le 9 février 2005, le jour même où le ministre du Travail a nommé un arbitre pour imposer l'adoption d'une première convention collective.

Question de procédure

Dans la cause, Plourde c. Wal-Mart, l'appelant soutenait qu'il avait perdu son emploi en raison de ses activités syndicales. L'ex-employé a déposé sa plainte en vertu des articles 15 et 17 du Code du travail, qui stipulent qu'un employeur qui congédie un employé pour une cause qui n'est pas «juste et suffisante» doit réintégrer ce salarié dans son emploi avec tous ses droits et privilèges.

Or, le géant du commerce de détail a mis un terme au bail qu'il détenait pour loger sa succursale de Jonquière. Puisque l'entreprise a mis un terme définitif à ses activités, la réintégration n'est plus possible. Un salarié ne peut donc pas se prévaloir de ce mécanisme procédural, ont tranché six des neuf juges du plus haut tribunal au pays.

«La question soumise à la Cour est assez limitée, écrit le juge majoritaire Binnie dans la décision d'une soixantaine de pages. Il s'agit d'une question de procédure qui n'a rien à voir avec les pratiques de Wal-Mart en matière de relations de travail. «

Selon le juge Binnie, un syndicat ou des salariés pourraient toutefois exercer un recours fondé sur l'article 12 du Code du travai l pour se plaindre de manoeuvres antisyndicales. En vertu de cet article, les employeurs ne peuvent entraver les activités d'une association de travailleurs.

« Sous le régime de l'article 12, les raisons pour lesquelles Wal-Mart a fermé le magasin de Jonquière seraient éminemment pertinentes, écrit le juge Binnie. Si la Commission des relations du travail, régulièrement saisie de la question, était convaincue que la fermeture est fondée sur des motifs antisyndicaux, elle pourrait élaborer une réparation en faveur de tous les anciens salariés. «

De son côté, le porte-parole de Wal-Mart Canada, Alex Roberton, a affirmé que son entreprise était satisfaite du jugement. Il a ajouté que la succursale de Jonquière avait fermé ses portes pour des motifs «purement économiques «.

«La décision rendue aujourd'hui (hier) n'est pas surprenante, a-t-il dit. Elle correspond à des décisions précédentes de la Commission des relations de travail du Québec, de la Cour supérieure du Québec et de la Cour d'appel du Québec. El les ont toutes confirmé que la fermeture de la succursale à Jonquière est légale.»