Moins endettées, les coffres pleins, les entreprises canadiennes sortent de la récession en pleine forme. En fait, leur santé financière n'a jamais été aussi bonne depuis 40 ans, a constaté Statistique Canada.

Le bilan de santé des entreprises non financières rendu public hier par l'organisme fédéral est plutôt encourageant pour la reprise économique qui s'amorce.

Au moment où la crise économique a frappé, au milieu de 2008, l'endettement des entreprises était à son plus bas des 40 dernières années. Un an plus tard, soit au milieu de 2009, alors que la récession se résorbait, leur situation financière était aussi bonne, estime Statistique Canada.

L'endettement a diminué constamment depuis le sommet atteint 1992. Cette année-là, le rapport entre les emprunts et les capitaux propres atteignait 0,92. Au milieu de 2008, ce rapport n'était plus que de 0,54.

«Au début des années 90, échaudées par la récession, les entreprises ont réalisé que leur niveau élevé d'endettement leur causait des problèmes», explique Benoit Durocher, économiste chez Desjardins. La tendance était donc à la réduction de la dette et l'augmentation des profits entre 2000 et 2007 leur a facilité la tâche, ajoute-t-il.

De fait, entre 2003 et 2006, les bénéfices nets des entreprises non financières ont augmenté en moyenne de 23,5% par année, ce qui aide énormément à améliorer un bilan.

Les entreprises ont profité de leur rentabilité pour émettre des actions, ce qui a aussi contribué à réduire leur endettement. Les émissions nettes de capital-actions ont augmenté considérablement entre 2003 et 2007, note Statistique Canada.

Moins endettées, les entreprises ont aussi autant de liquidités à leur disposition qu'au début de la récession. Au milieu de 2008, leurs coffres contenaient 514$ comptant pour chaque 1000$ de dette. Maintenant que le pire de la récession est derrière, elles en ont presque autant, soit 509$ par 1000$ de dette, indique Statistique Canada.

«Les liquidités ont été préservées parce qu'au début de la récession de 2008, les entreprises ont réduit leurs dépenses d'investissement», précise de son côté Maurice Marchon, économiste et professeur à HEC Montréal. La baisse du niveau d'endettement, selon lui, est le résultat de plusieurs décennies de raffermissement des prix des matières premières et d'augmentation de la valeur de la devise canadienne, deux tendances favorables aux entreprises canadiennes.

«Ça veut dire que les entreprises n'ont pas gaspillé leurs bénéfices, elles les ont utilisés pour assainir leur bilan», explique le professeur.

L'étude de Statistique Canada vient appuyer des informations similaires provenant des entreprises américaines. La plupart d'entre elles sortent également de la récession avec un niveau élevé de liquidités qui leur permettra de se remettre rapidement en mode croissance, rapportait récemment le Wall Street Journal.

Secteurs à la traîne

Au Canada, l'amélioration est généralisée, selon Statistique Canada, puisque 10 des 11 industries non financières examinées ont affronté le repli de 2008 avec un meilleur bilan et en sortent en excellente position pour profiter de la reprise. Le secteur de l'énergie et celui du commerce de détail sont ceux qui ont fait le mieux en matière de réduction de l'endettement et de l'augmentation des liquidités.

Le secteur de la fabrication, par contre, n'a pas fait aussi bien, parce que la conjoncture économique a été plus difficile pour les manufacturiers. Les entreprises manufacturières n'ont pas réussi à améliorer leur bilan depuis 2000, à cause de la remontée du dollar canadien, dans certains cas, et de l'effondrement de leur marché, dans certains autres, comme les pâtes et papiers et la fabrication de véhicules et de pièces d'automobiles.

«Ce sont les canards boiteux du Canada», résume Maurice Marchon. Mais dans la plupart des secteurs, selon lui, les entreprises sont prêtes à profiter de la reprise. «Ça repart du bon pied», dit-il.

C'est aussi l'avis de l'économiste de Desjardins, qui estime que les entreprises canadiennes devraient profiter de leur bonne santé financière pour s'ajuster à l'augmentation du dollar canadien. «Les entreprises vont devoir continuer de s'ajuster à cette nouvelle réalité. Il n'y a pas 56 façons de le faire, il faut investir, pas seulement pour augmenter sa capacité de production, mais aussi pour se moderniser», précise Benoit Durocher.