Vous voulez payer par Visa, MasterCard ou... Couche-Tard? Le jour où la caissière du dépanneur vous posera la question quand vous déposerez votre caisse de bière sur le comptoir n'est peut-être pas si éloigné. Exaspéré par les frais de transaction galopants des cartes de crédit, Couche-Tard cherche en effet à créer une coalition de commerçants canadiens et américains qui lanceraient ensemble... leur propre carte de crédit.

«On a eu l'attention de plusieurs grands détaillants, a révélé hier Alain Bouchard, président et chef de la direction de Couche-Tard, en marge de l'assemblée annuelle de l'entreprise. On veut que ce soit un ensemble de détaillants, même des concurrents, qui ait accès à une carte commune, avec des prix normaux.»

Des prix normaux. Parce que ceux imposés par les Visa et MasterCard de ce monde, affirme M. Bouchard, ne le sont pas. Il faut savoir que chaque fois que vous payez vos croustilles ou votre essence par carte de crédit, Visa, MasterCard ou American Express charge un pourcentage (plus ou moins 2%) de la facture au détaillant.

Pour Couche-Tard, qui exploite près de 6000 magasins au Canada et aux États-Unis, ça fait beaucoup d'argent. En 2008, quand les prix de l'essence se sont envolés, la chaîne de dépanneurs dit avoir payé environ 180 millions en frais de transaction.

«C'est à peu près l'équivalent des bénéfices de cette année-là. C'est énorme», a dit hier M. Bouchard, qui dit en avoir assez que «des gens extérieurs à notre commerce se permettent de piger dans nos poches sans avoir de comptes à rendre».

Selon Couche-Tard, il serait possible de diviser les frais de transaction par quatre, en les faisant passer de 2% à 0,5%.

L'épicier Metro a confirmé à La Presse Affaires qu'il avait été contacté par Couche-Tard et qu'il considérait actuellement «toutes les alternatives pour réduire les coûts associés aux frais de transaction».

Son de cloche différent chez IGA, qui dit ne pas considérer l'idée d'une nouvelle carte de crédit. «Les frais de transaction sont un sujet chaud, mais en ce moment, ce n'est pas à l'agenda», a dit Anne-Hélène Lavoie, conseillère principale aux communications chez Sobeys.

Couche-Tard a expliqué que son initiative inclurait aussi l'option de payer par l'internet sur le modèle PayPal. «On parle de tous les modes de paiement électronique et de paiement plastique», a dit Raymond Paré, le vice-président et chef de la direction financière qui pilote le dossier.

L'échéancier? «Je ne pense pas que ça arrive dans 3 ans... ça peut prendre 12 mois», a répondu M. Bouchard.

L'association des détaillants en alimentation du Québec (ADAQ) dit ne pas avoir été mise au courant du projet. «Pas du tout. Et nous croyons qu'il s'agit d'une façon de contourner le problème sans le régler», a dit Pierre-Alexandre Blouin, directeur des affaires publiques de l'organisme, qui privilégie plutôt de faire pression sur le gouvernement pour qu'il réglemente les frais de transaction.

Cette demande est une vieille bataille des commerçants, qui sont allés plaider leur cause à Ottawa cet été. Un projet de loi sur la question est aussi débattu aux Etats-Unis.

Couche-Tard a d'ailleurs affirmé qu'elle «continuerait de taper sur ce clou-là» et d'exiger une réglementation, rappelant que même si elle lance sa propre carte de crédit, plusieurs clients continueront d'utiliser Visa ou MasterCard.

Des magasins comme Canadian Tire ou HBC offrent depuis longtemps leur propre carte de crédit.

Couche-Tard a par ailleurs précisé hier que les prix de l'immobilier commençaient à être intéressants aux États-Unis et que de nouvelles acquisitions pourraient survenir. «Aux États-Unis, j'ai au moins 7 ou 8 acquisitions de 1000 magasins et plus qui pourraient m'intéresser», a dit M. Bouchard, qui affirme que Couche-Tard pourrait facilement «doubler de taille» d'ici «quelques années».