Les négociations sur la modernisation du traité nord-américain de libre-échange, l'ALENA, entre le Canada et les États-Unis sont entrées dans une phase cruciale, Washington ayant fixé à dimanche soir la date-butoir pour trouver un accord avec Ottawa.

Chrystia Freeland, la ministre des Affaires étrangères qui pilote ces discussions côté canadien, a ainsi décidé de reporter un important discours prévu devant l'ONU pour samedi afin de se concentrer sur celles-ci.

Et, selon le quotidien The Globe and Mail, le premier ministre Justin Trudeau est aussi activement engagé dans cette course contre la montre, sur fond de coup de froid diplomatique sans précédent dans les relations entre Washington et Ottawa.

Le ministre mexicain de l'Économie, Ildefonso Guajardo, avait créé la surprise vendredi en annonçant que l'on saurait « dans les prochaines 48 heures, (...) si nous allons vers un texte trilatéral ».

« Pour la première fois, on constate un réel effort des parties », après des semaines de négociations, en vue de parvenir à un accord, avait ajouté le ministre, dont le pays a déjà conclu une entente avec les États-Unis.

Le Globe and Mail écrivait samedi que les négociateurs canadiens et américains allaient discuter pendant tout le week-end, via une connexion vidéo sécurisée.

Le gouvernement Trump veut présenter au Sénat avant le 1er octobre le texte de l'accord déjà accepté par le Mexique et les États-Unis en août, car ce dépôt déclenche un compte à rebours de 60 jours avant la signature officielle.

Mexico et Washington veulent signer le nouvel ALENA négocié avec le Mexique avant l'entrée dans ses fonctions du président élu mexicain Andres Manuel Lopez Obrador, début décembre.

Les négociations canado-américaines ont achoppé jusqu'ici sur deux gros dossiers.

Ottawa veut conserver un dispositif de règlement des conflits qui se trouve dans le texte initial de l'ALENA (chapitre 19) et entend préserver son système de protection du secteur laitier, critiqué avec virulence par Donald Trump.

Le président américain a encore compliqué cette délicate négociation en s'en prenant de façon très peu diplomatique au Canada au cours d'une conférence de presse à New York, affirmant avoir refusé de rencontrer Justin Trudeau à cause de l'intransigeance de ses négociateurs. Le Canada a régulièrement répété de son côté que, pour lui, pas d'accord valait mieux qu'un mauvais accord.

« Concessions significatives »

Le Globe and Mail affirmait samedi, citant des sources des deux côtés de la frontière, qu'Ottawa avait fait des « concessions significatives » sur le lait pour obtenir un accord.

Le journal a précisé dans la journée sur son site internet, citant des sources non identifiées, qu'en échange d'un plus grand accès au marché canadien des produits laitiers, les États-Unis seraient prêts à accéder à une importante exigence canadienne, le maintien du mécanisme de règlement des conflits (chapitre 19).

Un haut responsable canadien a affirmé au Globe and Mail que rien n'avait encore été acté sur ce point, mais que les deux parties étaient proches d'un accord.

Selon cette source, M. Trudeau et Mme Freeland envisagent de donner une conférence de presse dimanche soir ou lundi matin si les discussions continuent de progresser.

Le Globe avait plus tôt affirmé qu'Ottawa souhaitait aussi avoir la garantie que Washington n'imposerait pas de droits de douane à l'industrie automobile canadienne, menace régulièrement brandie par le président Trump et dont la mise en oeuvre serait dévastatrice pour cet important secteur économique.

Selon ce journal, citant une source du milieu industriel américain, les États-Unis ont fait savoir à Ottawa qu'ils entendaient que la date butoir du 1er octobre soit respectée cette fois-ci et qu'ils pourraient rapidement mettre en place les taxes sur les exportations de l'industrie automobile canadienne si ce n'était pas le cas.

M. Trudeau s'était entretenu de l'ALENA en fin de semaine avec le président élu Lopez Obrador. Ce dernier a assuré à son interlocuteur qu'il ne voulait pas « tourner le dos au Canada », mais que, pour lui, les négociations avec les États-Unis étaient bouclées et qu'il se contenterait désormais d'« attendre et souhaiter un compromis » entre les deux pays.

Le premier ministre canadien se trouve dans une position difficile, pris entre la menace pesant sur le secteur automobile de son pays et d'éventuelles concessions qui pourraient revenir le hanter au moment des élections législatives prévues pour dans un an.