Le Canada et les États-Unis n'ont toujours pas conclu d'accord jeudi soir pour moderniser le traité de libre-échange nord-américain (ALENA), mais devaient reprendre leur négociation dans la matinée de vendredi, la date butoir pour se joindre au pacte conclu par Washington et Mexico lundi.

« Non, nous n'avons pas d'accord », a répondu la ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, à un journaliste à sa sortie d'une très brève rencontre - la quatrième de la journée - avec le négociateur en chef américain, Robert Lighthizer, aux alentours de 22 h 30.

« J'ai eu une brève conversation avec l'ambassadeur Lighthizer et son équipe. J'avais quelque chose à dire », a-t-elle déclaré, mais n'a donné aucune autre précision sur sa brève entrevue et seulement ajouté qu'elle reviendra vendredi matin pour une nouvelle session de discussions au plus haut niveau.

Le temps presse pour trouver un accord, vendredi ayant été fixé comme date butoir par le président Donald Trump. Qui plus est, selon son programme officiel, il quitte Washington à 14 h 45 pour se rendre en Caroline du Nord et ne doit revenir que vers 19 h 30.

Plus tôt, Donald Trump a estimé dans un entretien accordé à l'agence Bloomberg que « cela pourrait intervenir d'ici [ce] vendredi ou à un autre moment. Mais, ils [les Canadiens] n'ont pas d'autre choix ».

« Je pense que cela se fera, et nous avons vraiment développé de bonnes relations. Mais, ils doivent nous traiter de manière équitable et ils ne l'ont pas fait », a-t-il ensuite dit lors d'une réunion de campagne pour les législatives dans l'Indiana.

De son côté, le ministre mexicain de l'Économie, Ildefonso Guajardo, s'est dit « optimiste » sur les discussions entre les États-Unis et le Canada, a indiqué à l'AFP une source mexicaine, ajoutant qu'une négociation trilatérale États-Unis-Canada-Mexique pourrait avoir lieu prochainement.

Jugeant l'ALENA version 1994 « désastreux » pour l'économie américaine, le président américain a forcé les Canadiens et les Mexicains à renégocier depuis un an ce traité qui a intimement lié leurs économies.

Le scénario des négociations est bien rôdé depuis l'arrivée mardi de Mme Freeland dans la capitale américaine. Les hauts fonctionnaires discutent les aspects techniques et soumettent ensuite à la ministre et à Robert Lighthizer les points à arbitrer.

Et aucune informations précise ne filtre. Si Mme Freeland parle régulièrement à la presse pour donner son sentiment sur l'avancée des discussions, les Américains, eux, n'ont pas divulgué un seul mot depuis mardi.

Mercredi, les déclarations de Donald Trump et de Justin Trudeau avaient déjà apporté une note d'optimisme.

Jeudi, M. Trudeau a néanmoins souligné, lors d'une téléconférence avec les premiers ministres des provinces et territoires canadiens, que son gouvernement continuerait « de veiller à ce que tout éventuel accord soit le meilleur accord possible pour les Canadiens ».

Washington et Mexico se sont entendus dès lundi sur toute une série d'aménagements du traité de 1994. Et, désormais, « le temps presse », avait reconnu mercredi soir Mme Freeland.

Automobile, protections des travailleurs

Chrystia Freeland avait aussi révélé que le Canada et les États-Unis étaient déjà arrivés « à un accord de haut niveau » concernant l'automobile au printemps.

C'était l'un des points essentiels - avec des concessions en matière salariale et de droit du travail par Mexico - de l'accord commercial entre le Mexique et les États-Unis.

Les Canadiens avaient délibérément choisi de s'éloigner des discussions sur un ALENA réformé en attendant que les États-Unis et le Mexique arrivent à surmonter leurs nombreux différends.

Les grandes lignes d'un nouvel ALENA comprennent de nouvelles dispositions sur le commerce de l'automobile, avec un pourcentage plus élevé de composants produits localement, des protections plus strictes pour les travailleurs et une disposition permettant de revoir l'accord tous les six ans.

Les principaux points de friction pour le Canada sont la question de son marché des produits laitiers et son attachement à une procédure de réglement des différends entre les partenaires du traité.

La propriété intellectuelle fait également débat, le Canada souhaitant protéger son secteur pharmaceutique générique.

Dans les trois pays, on se montre plutôt pressé de conclure un nouvel accord, même si Donald Trump brandit régulièrement la menace de signer deux accords bilatéraux si les négociations ne vont pas dans son sens.

Au Canada, Justin Trudeau fait face à la pression du calendrier politique. Des élections devant avoir lieu dans un an, il lui faut éviter d'apparaître comme capitulant devant le président américain. Comme le Québec et le Nouveau-Brunswick sont déjà en campagne électorale, un accord pourrait se révéler salutaire.

Aux États-Unis, il y a aussi urgence, car Washington veut résoudre la question avant les élections législatives de novembre. Et, au Mexique, le président Enrique Peña Nieto veut signer le pacte commercial avant de laisser la place à Andrés Manuel Lopez Obrador le 1er décembre.