Justin Trudeau compte parmi son équipe de conseillers qui s'occupent du dossier des relations commerciales canado-américaines un employé qui a déjà fait un vibrant plaidoyer en faveur de l'abolition de la gestion de l'offre au pays.

Cet employé, Simon Beauchemin, fait partie d'une petite équipe de conseillers qui a été mise sur pied en janvier 2017 par le bureau du premier ministre dans la foulée de la victoire de Donald Trump aux élections présidentielles. Son mandat est de suivre tous les développements et rebondissements dans le dossier des négociations visant à moderniser l'Accord de libre-échange nord-américain et de consulter les divers groupes et les représentants des secteurs qui pourraient être affectés par ces négociations.

Dans une lettre d'opinion publiée dans La Presse le 17 novembre 2014, M. Beauchemin soutenait que l'entêtement du Canada à vouloir défendre la gestion de l'offre était un véritable boulet qui pourrait l'empêcher de signer de nouveaux traités de libre-échange.

Faisant allusion aux négociations portant sur le Partenariat transpacifique (PTP), M. Beauchemin soulignait que le Canada risquait d'être écarté des discussions par les Américains, qui cherchent depuis plusieurs années à avoir un meilleur accès au marché canadien pour les produits laitiers et la volaille.

«Ce qui en ressort est que l'ouverture de nouveaux marchés pour les exportateurs canadiens devra passer par une remise en question de nos propres chasses gardées, incluant le système de gestion de l'offre», peut-on lire dans la lettre de M. Beauchemin.

«La gestion de l'offre coûte 276 $ aux familles canadiennes annuellement. Contrairement aux pays qui subventionnent leur secteur agricole, il s'agit d'une manière régressive de protéger nos producteurs, car chacun doit composer avec les prix artificiellement élevés, peu importe leur revenu.»

«En outre, l'impact négatif croissant de ce système sur la capacité du Canada à négocier de nouveaux accords commerciaux devient de plus en plus clair. Malgré qu'un grand nombre de pays subventionnent leur secteur agricole, le Canada se retrouve souvent isolé et en position de faiblesse sur la scène internationale en raison de sa politique qui rend l'accès au marché canadien quasiment impossible. Jamais le Canada ne devrait accepter de démanteler son système sans concession de la part des autres pays du PTP, mais il doit au moins envisager une ouverture partielle de son marché», ajoutait-il.

Un «membre estimé du personnel»

Au bureau de Justin Trudeau, l'attachée de presse principale du premier ministre, Chantal Gagnon, a soutenu que M. Beauchemin est «un membre estimé du personnel» et qu'il appuie aujourd'hui sans réserve la politique du gouvernement libéral sur la gestion de l'offre.

«Notre gouvernement appuie fermement le système canadien de gestion de l'offre des produits laitiers, et il est résolu à le maintenir en place. Le premier ministre, le ministre de l'Agriculture, la ministre des Affaires étrangères, de nombreux membres du cabinet et du caucus, ainsi que les négociateurs commerciaux du Canada participant aux pourparlers en cours sur l'ALENA, l'ont affirmé sans équivoque depuis le début des négociations. Notre position n'a pas changé», a-t-elle affirmé dans un courriel à La Presse.

«Depuis sa création, le système canadien de gestion de l'offre des produits laitiers a assuré aux Canadiens un accès à une grande quantité de lait et de produits laitiers sains et abordables. L'industrie du lait est une source importante d'emplois bien rémunérés pour la classe moyenne du Canada. Notre gouvernement se portera toujours à la défense des intérêts des travailleurs canadiens, à la table de négociation de l'ALENA comme dans toutes les autres sphères d'activités», a-t-elle ajouté.

Une situation troublante, estime un conservateur

Le député conservateur Luc Berthold juge tout de même troublant de voir un conseiller au bureau du premier ministre qui a déjà réclamé l'abolition de la gestion de l'offre.

«C'est très inquiétant pour le système canadien de gestion de l'offre. On comprend pourquoi le gouvernement libéral ne veut pas s'engager à protéger intégralement la gestion de l'offre dans les négociations avec les États-Unis!»

«Derrière l'image qu'ils projettent, ils engagent un conseiller qui affirme que la gestion de l'offre fait mal aux consommateurs canadiens, décourage l'innovation et l'efficacité!», soutient M. Berthold.

«Il est temps que le premier ministre se tienne debout devant les Américains, et écoute les producteurs canadiens au lieu de ses propres conseillers qui veulent encore et encore des concessions au système canadien. L'avenir des petits producteurs laitiers est en jeu. Le premier ministre doit dire publiquement non à toute nouvelle concession dans le cadre de l'ALENA afin de mettre fin à l'incertitude qui plane sur ce secteur. Notre chef Andrew Scheer a réitéré à plusieurs reprises son soutien au système de gestion de l'offre, et nous estimons que si les Américains veulent avoir accès au marché canadien du lait, des oeufs et de la volaille, ils peuvent le faire en réintégrant le PTP.»

PHOTO TIRÉE DE L’INTERNET

Simon Beauchemin