Le gouvernement fédéral annoncera aujourd'hui à Ottawa les grandes lignes de sa nouvelle stratégie en matière de propriété intellectuelle.

« Le Canada excelle en recherche et développement, mais tire de l'arrière quant à la commercialisation de l'innovation », reconnaît un document de présentation obtenu par La Presse.

En plus de prévoir un volet de formation destiné aux citoyens canadiens et aux entreprises, la stratégie comprend la création d'un nouvel organisme de réglementation indépendant chargé d'encadrer les pratiques des agents de brevets et de marques de commerce.

Elle comprend aussi un amendement des lois en vigueur en vue de décourager les tentatives de « pêche au brevet », notamment à l'aide de documents délibérément vagues ou trompeurs.

Ottawa veut enrayer une pratique qui consiste à acheter des brevets en apparence inutilisés, en vue de poursuivre en justice de grandes entreprises qui pourraient les avoir enfreints, dit Michel Sofia, agent de brevets chez Benoît & Côté à Montréal et ex-président de l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada.

Dans un cas célèbre, la société technologique Research in Motion a accepté de verser en 2006 la somme de 612 millions US à la firme NTP inc. afin de régler un litige de ce type, rappelle M. Sofia.

« Ces pratiques nuisent à l'innovation, dit M. Sofia. Elles risquent de décourager les entreprises d'investir dans la recherche et développement en leur faisant craindre d'être ensuite poursuivies devant les tribunaux. »

UN COLLECTIF DE BREVETS

L'une des pièces maîtresses de la stratégie dévoilée par Ottawa est la mise en place d'un « collectif de brevets » qui permettra aux entreprises membres de faire partager leurs connaissances et d'avoir ainsi accès à un répertoire plus vaste de brevets et de propriété intellectuelle.

Lors de la présentation de son budget en février, Ottawa avait réservé une somme de 85,3 millions de dollars sur cinq ans, et 10 millions annuellement par la suite, en vue d'appuyer cette stratégie. La création d'un collectif de brevets en utilise une part importante, soit 30 millions au total.

« La propriété intellectuelle est un élément essentiel à la réussite des entreprises canadiennes », dit le ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, Navdeep Bains, dans un communiqué obtenu par La Presse.

La protection de la propriété intellectuelle est l'un des éléments clés de la renégociation en cours de l'Accord de libre-échange nord-américain. Il y a deux semaines, La Presse a relevé que le Canada n'avait toujours pas adhéré à une série de cinq traités internationaux dans ce domaine, des traités qu'il s'était pourtant engagé à ratifier il y a plusieurs années, ce qui inquiète Washington.

Le représentant américain au Commerce Robert Lighthizer a affirmé en mars que le régime actuel de protection de la propriété intellectuelle était « digne du tiers-monde ».

Selon les données du gouvernement fédéral, les entreprises titulaires de propriété intellectuelle exportent quatre fois plus que leurs pairs et ont 64 % plus de chances d'être des sociétés à forte croissance. Elles versent aussi des salaires 16 % plus élevés.

Les actifs intangibles comme les brevets forment 84 % de tous les actifs détenus par des entreprises du S&P 500 aux États-Unis, contre seulement 40 % de la valeur que possèdent les 50 plus grandes sociétés canadiennes.