Un syndicat du milieu des communications demande au CRTC de réglementer les services de diffusion en ligne comme Netflix. La section québécoise du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) a présenté mardi dernier une demande formelle au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) afin de mettre fin à l'ordonnance d'exemption dont bénéficient les diffuseurs en ligne comme Netflix. Depuis 1999, les médias numériques peuvent diffuser du contenu sans contraintes ni conditions de licence, contrairement aux chaînes télé.

UN « AVANTAGE CONCURRENTIEL », DIT LE SYNDICAT

« D'un point de vue strictement réglementaire, si on regarde les objectifs [de la Loi sur la radiodiffusion], [le CRTC n'a] plus aucune raison de maintenir cette exemption. [...] Notre employeur est soumis à une série importante de réglementations, et c'est normal. Ces entreprises [comme Netflix] ont un avantage concurrentiel très important du point de vue réglementaire, et elles ont un impact notable sur nos industries. Juste dans notre unité syndicale [TVA à Montréal], nous avons perdu environ 200 membres depuis quatre ans », dit Réjean Beaudet, secrétaire du CPSC-SCFP et président du Syndicat des employé(e)s de TVA, en entrevue à La Presse.

« ÇA MARCHE », DIT LE PRÉSIDENT DU CRTC

Le CRTC n'a fait aucun commentaire hier sur la demande du syndicat CPSC. Sauf que le nouveau président du CRTC Ian Scott a déjà annoncé ses couleurs sur la question lors d'une entrevue à La Presse en novembre dernier. « Ça marche très bien parce que les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion sont atteints : il y a une industrie en santé et qui a du succès dans les deux langues officielles [sans avoir besoin de poser des conditions à Netflix et aux autres diffuseurs en ligne]. Nous observons que le système n'est pas brisé, même s'il est sous une pression sévère », avait dit M. Scott. Son prédécesseur Jean-Pierre Blais, à la tête du CRTC de 2012 à 2017, en était arrivé à la même conclusion.

SYSTÈME « À DEUX VITESSES »

Le syndicat a bon espoir que le CRTC changera sa politique d'exemption des médias numériques et mettra ainsi fin à ce régime de réglementation « à deux vitesses ». « Si le gouvernement canadien, comme il le fait depuis des années, décide de continuer de ne pas appliquer sa souveraineté nationale en termes de radiodiffusion, c'est une abdication pure et simple aux entreprises étrangères », dit M. Beaudet. Le syndicat note aussi que plusieurs entreprises comme Québecor et BCE (Bell) s'opposent à un régime réglementaire « à deux vitesses ».

LES MOTIFS DE 1999 « OBSOLÈTES »

Un des arguments centraux invoqués par le syndicat : le monde des médias a bien changé depuis 1999, quand le CRTC a choisi d'émettre sa première ordonnance exemptant les médias numériques de conditions de licence. Tant qu'ils ne sont pas offerts par le truchement des distributeurs télé, des diffuseurs en ligne commet Netflix, ICI Tou.tv, CraveTV et le Club Illico peuvent diffuser en ligne sans contrainte. Selon le syndicat, les motifs justifiant l'exemption en 1999 sont aujourd'hui « obsolètes ». En 1999, 20 % des foyers canadiens avaient accès à internet, tandis qu'internet est maintenant plus populaire que la télé (12,3 millions de foyers abonnés à internet en 2016, contre 11,1 millions de foyers abonnés à la télé). Selon une étude du CEFRIO, 53 % des foyers québécois sont abonnés à un diffuseur en ligne, le plus populaire étant Netflix (33 %). L'ordonnance d'exemption du CRTC en 1999 a été renouvelée en 2003, 2006 et 2009. Le syndicat fait valoir que le « dernier véritable examen de l'ordonnance remonte à 2006 » et qu'une ordonnance du CRTC doit être réexaminée tous les cinq ans. Le syndicat rappelle aussi que d'autres « majors » américains « se préparent à lancer » des services en ligne au Canada, par exemple ESPN, CBS et Facebook.

NETFLIX PLUS GROS QUE QUÉBECOR AU CANADA ?

Citant une étude du Canadian Media Concentration Research Project qui estime les revenus de Netflix au Canada à 766 millions en 2016, le SCFP précise dans sa requête que « l'attrait concurrentiel de Netflix est tellement fort qu'il lui a permis de prendre la place de Québecor à titre de cinquième diffuseur télévisuel en importance au pays sur le plan des revenus ». Netflix ne dévoile pas ses revenus ni son nombre d'abonnés au Canada. Netflix n'a pas commenté hier la requête du SCFP, un syndicat affilié à la FTQ qui représente 7500 membres du secteur des communications au Québec (syndiqués de Cogeco, Telus, Vidéotron, Groupe TVA, RNC Média et Global).

QUELQUES CHIFFRES

5 milliards US

Budget de programmation mondial de Netflix en 2016 (pour acheter et produire des films et des émissions de télé)

2,4 milliards CAN

Budget de programmation canadienne pour l'ensemble des chaînes de télé au pays en 2016, selon la demande du SCFP déposée au CRTC

100 millions par an (en moyenne)

Netflix s'est engagé auprès du gouvernement fédéral à dépenser au moins 500 millions sur cinq ans en programmation et en acquisitions au Canada, soit une moyenne d'environ 100 millions par an

110,5 millions

Budget de programmation canadienne de la chaîne généraliste TVA en 2016-2017

Photo Alain Roberge, Archives La Presse

La section québécoise du Syndicat canadien de la fonction publique a présenté mardi dernier une demande formelle au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes afin de mettre fin à l'ordonnance d'exemption dont bénéficient les diffuseurs en ligne comme Netflix.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRECHETTE, LA PRESSE-Montreal---SUJET : Photo prise sur le plateau de tournage du film « Les maitres du suspense », le film prendra l'affiche en decembre 2014.----Jeudi 03 Octobre 2013 AFFAIRE# PIPELINE