Le ministre des Finances Bill Morneau s'est clairement trouvé en conflit d'intérêts en conservant ses actions dans la firme Morneau Shepell - une firme qui se spécialise dans la gestion de régimes de pensions - quand il a déposé à la Chambre des communes en octobre 2016 un projet de loi visant modifier les normes de prestation de pension, soutient le NPD.

Car cinq jours après le dépôt de ce projet de loi (C-27), la valeur des actions de Morneau Shepell a augmenté de 4,8 %, une hausse qui aurait pu permettre au ministre Morneau de « faire un profit de plus de deux millions de dollars sur ses actions », a soutenu jeudi le chef parlementaire du NPD, Guy Caron, durant une autre période de questions houleuse à la Chambre des communes.

« Comme personne intelligente, ne trouve-t-il pas qu'il y a ici apparence de conflit d'intérêts, car il était en position de pouvoir bénéficier de ses propres actions », a lancé M. Caron, quelques minutes après que le ministre Morneau eut annoncé qu'il avait informé la commissaire à l'éthique et aux conflits d'intérêts de son désir de mettre l'ensemble de ses avoirs dans une fiducie sans droit de regard. M. Morneau a aussi l'intention de vendre toutes les actions qu'il détient toujours dans Morneau Shepell, soit environ un million d'actions en tout. L'action de Morneau Shepell se négociait à environ 21 $ l'unité jeudi sur les marchés.

M. Morneau est dans la tourmente depuis que le quotidien The Globe and Mail a rapporté lundi qu'il n'avait pas placé ses actifs dans une fiducie sans droit de regard, même s'il s'était engagé à le faire au moment de sa nomination au cabinet il y a deux ans et qu'il avait aussi informé ses anciens collègues de Morneau Shepell que cela était son intention.

Selon le NPD, le conflit d'intérêts est d'autant plus évident que M. Morneau s'était fait l'apôtre des changements à la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension alors qu'il était toujours à la tête de Morneau Shepell, en 2013, soit deux ans avant de faire le saut en politique. Il a déposé le projet de loi C-27 modifiant Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension le 19 octobre 2016.

«Pendant deux ans, le ministre des Finances a dit qu'il placerait ses intérêts dans une fiducie sans droit de regard. Il a dit pendant deux ans aux médias qu'il placerait ses intérêts dans une fiducie sans droit de regard. Il a dit pendant deux ans à ses propres collègues qu'il placerait ses intérêts dans une fiducie sans droit de regard. Pourquoi, pendant deux ans a-t-il induit en erreur les médias, ses collègues, sa compagnie, et, en fait, tous les Canadiens? », a demandé M. Caron.

Le ministre Morneau a répondu qu'il avait suivi les conseils de la commissaire à l'éthique et aux conflits d'intérêts Mary Dawson après avoir été nommé au cabinet.

« Dans notre système nous travaillons avec la commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique pour mettre au clair notre situation. C'est ce que j'ai fait. Je l'ai fait au début avec la commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique et, de cette façon, j'ai eu son avis et j'ai suivi les recommandations tout le temps. Aujourd'hui, j'ai parlé avec la commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique et je lui ai dit que je voudrais faire d'autres choses, soit une fiducie sans droit de regard, et je vais travailler avec elle pour vendre toutes mes actions de Morneau Shepell et celles de ma famille. C'est très important d'avoir la confiance des Canadiennes et Canadiens », a dit le ministre.

Quelques minutes avant la période de questions, M. Morneau a rencontré les journalistes afin de confirmer qu'il comptait vendre les actions qu'il détient dans Morneau Shepell et placer tous ses avoirs dans une fiducie sans droit de regard au cours des prochaines semaines parce que la controverse qui sévit depuis plusieurs jours était devenue « une distraction » pour le gouvernement qui fait de l'économie sa priorité absolue.

« Je dois faire plus pour avoir la confiance de la population pour s'assurer que je n'ai pas de conflit d'intérêts », a dit le ministre des Finances aux journalistes.

Le Parti conservateur s'est montré peu impressionné par la décision de M. Morneau, qui a refusé de faire son mea culpa dans toute cette affaire. Le critique conservateur en matière de finances, Pierre Poilievre, a fait valoir que M. Morneau cache peut-être d'autres informations aux Canadiens.

« Pendant deux ans, Bill Morneau a détenu des millions de dollars en action dans une entreprise qu'il réglemente. Il avait le pouvoir en tant que ministre des Finances de prendre des décisions qui pouvaient aider cette même entreprise dans laquelle il avait investi tous ces millions. Il n'a pas dit aux Canadiens qu'il détenait toutes ces actions. En fait, il a laissé entendre pendant toutes ces années que tous ses avoirs étaient dans une fiducie sans droit de regard. Alors on peut se demander s'il cache autre chose aux Canadiens »,  a dit M. Poilievre.