Le ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, craint la formation de deux classes de citoyens si rien n'est fait pour contrer l'évitement fiscal.

C'est du moins ce qu'il a affirmé aux médias mardi à la veille du caucus présessionnel du Parti libéral du Canada qui se déroule en Colombie-Britannique.

Le ministre a profité de sa présence à Vancouver pour rencontrer des petits entrepreneurs dans le cadre d'une «tournée d'écoute» qui le mènera un peu partout au pays.

Sa réforme fiscale présentée à la mi-juillet suscite de la grogne parmi les propriétaires de petites et moyennes entreprises (PME) et chez certains professionnels comme les médecins.

Le ministre Morneau veut empêcher la création de sociétés privées dans le strict but d'économiser de l'impôt. Cette pratique de plus en plus répandue permet aux entrepreneurs et à certains professionnels de fractionner leur revenu entre les membres de leur famille même si ceux-ci ne travaillent pas pour eux.

Elle leur procure un avantage auquel d'autres travailleurs au revenu similaire n'ont pas droit, selon M. Morneau. Il a soutenu que le nombre de professionnels qui y ont recours a augmenté de 300 % au cours des 15 dernières années.

«Présentement, une femme monoparentale avec deux enfants de 12 et 14 ans qui gagne le même revenu qu'une femme mariée qui a deux enfants de 19 et 20 ans peut se retrouver à payer davantage d'impôt, a-t-il donné en exemple. Nous ne voyons pas pourquoi ça devrait être ainsi.»

Le gouvernement estime qu'il engendrerait des recettes de 250 millions annuellement en éliminant cette échappatoire.

M. Morneau a indiqué que sa réforme vise à rendre le système d'imposition canadien plus équitable. Elle veut également éviter l'usage du revenu de placement passif des entreprises comme un «instrument d'épargne personnelle» pour la retraite, alors qu'il sert plutôt à les inciter à réinvestir dans leurs activités. Cet argent qui «dort» est soumis à des règles d'imposition plus avantageuses que celui des particuliers.

Le troisième pilier de la réforme est l'élimination de la conversion de revenus réguliers en gains de capital.

Manque à gagner

«La proposition du ministre Morneau ne règle pas le problème de l'évitement fiscal, mais son problème de revenus, a dit le porte-parole conservateur en matière de finances, Pierre Poilievre.

Le gouvernement Trudeau prévoit un déficit de 28,5 milliards pour l'année 2017-2018, ce qui inclut une réserve de 3 milliards en cas d'imprévus.

M. Poilievre accuse le gouvernement libéral de prendre les petits entrepreneurs en grippe parce qu'ils devront remplir plus de paperasse pour prouver que les membres de leur famille travaillent bel et bien pour eux. Il soutient également que les propriétaires de PME auront plus de difficulté à épargner.

La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI) a envoyé mardi près de 15 000 lettres de protestation aux députés fédéraux.

Elle craint que la réforme fiscale ne tue l'innovation et qu'elle freine le transfert des entreprises familiales.

La période de consultation de 75 jours sur la réforme fiscale du gouvernement Trudeau se termine au début du mois d'octobre.