La société américaine Lockheed Martin affirme être en mesure de livrer rapidement, et à un coût concurrentiel, les 18 avions de chasse que souhaite acheter le gouvernement Trudeau afin de combler le déficit de capacité qui guetterait les Forces armées canadiennes à court terme.

La présidente et chef de la direction de Lockheed Martin, Marillyn Hewson, a fait parvenir une lettre en ce sens en juin à plusieurs ministres du gouvernement Trudeau dans laquelle elle précise que l'entreprise peut construire les avions que convoite le Canada à un coût oscillant entre 80 et 85 millions US pièce - un coût nettement inférieur aux quelque 135 millions évoqués il y a quelques années.

La Presse a obtenu cette lettre de deux pages hier. Cette missive a été envoyée à sept ministres du gouvernement Trudeau, dont le ministre de la Défense Harjit Sajjan, le ministre de l'Innovation Navdeep Bains, la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland et le ministre des Finances Bill Morneau.

Mme Hewson a envoyé cette lettre dans la foulée de la décision du gouvernement Trudeau, en mai, de suspendre les négociations avec Boeing pour l'achat de 18 avions de chasse Super Hornet après que cette entreprise eut déposé une plainte contre les pratiques commerciales de Bombardier devant la Commission du commerce international des États-Unis (ITC). Boeing soutient dans sa plainte que Bombardier a bénéficié d'avantages injustes pour vendre ses avions C Series aux États-Unis.

En principe, l'ITC doit annoncer au plus tard le 25 septembre si elle imposera des droits compensatoires sur les appareils de la C Series. Le gouvernement Trudeau, qui a accusé Boeing de ne pas se comporter comme un « partenaire de confiance » du Canada en agissant de la sorte, et le gouvernement du Québec se préparent au pire.

« Je vous écris pour m'assurer que vous êtes au courant que l'avion de chasse le plus moderne du monde, la cinquième génération du F-35, est offert sur le marché et peut combler le déficit de capacité du Canada à un coût et une date de livraison comparables à la quatrième génération des F-18 Super Hornet que vous envisagez d'acheter », écrit Mme Hewson dans sa lettre.

« Lockheed Martin est convaincu d'être en mesure de vous fournir la technologie supérieure du F-35 en fonction du calendrier que vous avez déterminé afin de combler vos besoins urgents, tout en offrant à l'industrie canadienne l'occasion de participer à la construction. » - Marillyn Hewson

Elle poursuit en disant que depuis que le Canada participe au programme de développement du F-35, les entreprises canadiennes ont décroché l'équivalent de plus de 1 milliard de dollars en contrats de Lockheed Martin. Elle rappelle d'ailleurs que si le Canada décide d'acheter ces avions de chasse furtifs, le gouvernement garantira à l'industrie aéronautique canadienne une participation à la chaîne d'approvisionnement pour l'ensemble des contrats qui seront obtenus pour la construction des appareils.

UN AVION « PLEINEMENT OPÉRATIONNEL »

Les Forces armées américaines ont décrété que l'avion de chasse F-35 était pleinement en mesure de répondre à leurs besoins et était donc opérationnel. « En plus d'avoir réussi à rendre l'avion pleinement opérationnel, nous avons aussi réussi à réduire le prix du F-35 année après année, et comme je l'ai affirmé, pour un partenaire du programme, aujourd'hui, le prix d'un F-35A sera dans la fourchette de 80 à 85 millions de dollars », écrit Mme Hewson.

Plusieurs pays alliés du Canada (Australie, Belgique, Danemark, Italie, Royaume-Uni, Japon, Pays-Bas, Norvège) ont déjà acheté ou comptent acheter ces avions.

En novembre dernier, le gouvernement Trudeau a annoncé avoir l'intention d'acheter 18 chasseurs Super Hornet de Boeing en attendant de lancer un nouvel appel d'offres pour remplacer les CF-18. Au moment de l'annonce, le ministre Sajjan avait évoqué un possible déficit de capacité des Forces armées canadiennes pour justifier cette solution. Les libéraux, qui avaient promis de ne pas acheter de F-35 durant la campagne électorale en soutenant que le coût de ces avions était trop élevé, pourraient être contraints de faire marche arrière à cause du différend commercial qui point à l'horizon et qui pourrait faire mal à Bombardier.

Au bureau du ministre Sajjan, on soutient qu'aucune décision n'a encore été prise dans ce dossier. « Nous continuons d'explorer l'acquisition d'une flotte pour combler le déficit de capacité, mais aucune décision n'a encore été prise », a indiqué la directrice des communications du ministre, Renée Filiatrault.