L'influent Régime de retraite des enseignants de l'Ontario (Teachers) s'abstiendra de voter pour le renouvellement du mandat du président exécutif du conseil de Bombardier, Pierre Beaudoin, au poste d'administrateur de Power Corporation.

« Compte tenu de ce que nous considérons généralement être une piètre fiche de présence et l'absence d'une explication plausible dans les documents de divulgation de l'entreprise, nous ne soutenons pas cette candidature à l'heure actuelle », peut-on lire dans le justificatif publié récemment sur le site web de Teachers.

En 2016, M. Beaudoin a assisté à quatre des six réunions du conseil d'administration de Power, soit un taux de participation de 67 %. En 2015, il n'avait pris part qu'à deux des six réunions (33 %). Or, les agences de conseil en vote ISS et Glass Lewis préconisent toutes deux une participation d'au moins 75 %.

L'an dernier, Power Corporation avait précisé que la faible assiduité de Pierre Beaudoin résultait « d'engagements relatifs aux activités de Bombardier », qui connaissait alors d'importants problèmes financiers. « M. Beaudoin est un administrateur dévoué dont l'apport à [Power] est considérable et qui fait bénéficier le conseil de l'expérience vaste et précieuse qu'il a acquise au sein de Bombardier », pouvait-on lire dans la circulaire de sollicitation de procurations. Cette année, Power Corporation n'a pas fourni d'explication du même type.

Stéphane Lemay, porte-parole de Power Corporation, n'a pas rappelé La Presse hier. Pierre Beaudoin a préféré ne pas faire de commentaires.

DES INTENTIONS DE VOTE ENCORE INCONNUES

L'Office d'investissement du régime de pensions du Canada s'était abstenu de voter en faveur de Pierre Beaudoin l'an dernier, mais sans préciser pourquoi. On ne sait pas encore quelle position l'institution adoptera cette année. La Caisse de dépôt et placement a voté pour l'élection de M. Beaudoin l'an dernier et n'a pas encore fait connaître ses intentions en vue de l'assemblée du 12 mai prochain. Il y a un an, les détenteurs de 20,3 % des droits de vote de Power Corporation s'étaient abstenus de voter pour Pierre Beaudoin. Cela représente près de la moitié des droits de vote non contrôlés par la famille Desmarais (40,8 %).

Notons que les entreprises cotées en Bourse ne permettent pas à leurs actionnaires de voter « contre » l'élection d'un administrateur. Les deux seules possibilités sont de voter en faveur ou de s'abstenir.

Olivier Gamache, PDG du Groupe investissement responsable, une firme québécoise de gestion des droits de vote par procuration, fait remarquer que les taux d'abstention lors des élections d'administrateurs d'entreprises cotées en Bourse augmentent continuellement depuis quelques années, les investisseurs y accordant de plus en plus d'importance. « La dissidence est plus élevée que jamais », dit-il.

D'AUTRES CAS

Le taux d'abstention à l'endroit de Pierre Beaudoin n'est pas le plus élevé observé ces dernières années au sein des grandes sociétés québécoises. La « palme » revient à Normand Provost et Christian Dubé, qui représentent la Caisse au conseil de Québecor. Les administrateurs ont tous deux affiché un taux de participation aux réunions du conseil supérieur à 75 % en 2016, mais certains actionnaires n'apprécient pas le fait qu'ils sont désignés par la Caisse, note M. Gamache.

« La Caisse est tout à fait satisfaite de la contribution de MM. Provost et Dubé aux travaux du conseil d'administration chez Québecor. »

- Maxime Chagnon, porte-parole de la Caisse de dépôt

Chez TFI International (anciennement TransForce), pas moins de trois administrateurs ont reçu des taux d'abstention supérieurs à 27 % aux élections tenues pendant l'assemblée annuelle de mercredi : Joey Saputo, André Bérard et Richard Guay. La Caisse leur a accordé son vote, mais a tenu à préciser qu'elle constatait « la longue durée » de leur mandat (M. Saputo est entré en poste en 1996, M. Bérard en 2003 et M. Guay en 2004).

Le président sortant du conseil d'Air Canada, David Richardson, a enregistré un taux d'abstention de 29 % lors de l'assemblée des actionnaires de l'an dernier. En poste depuis 2004, il a assisté à pratiquement toutes les réunions du conseil en 2015 et en 2016. Il prendra sa retraite le mois prochain.

Rappelons que le PDG de Transat, Jean-Marc Eustache, a démissionné de son poste d'administrateur de Québecor en janvier 2012 après que les détenteurs d'actions de catégorie B se furent majoritairement abstenus de voter pour lui et pour Sylvie Lalande lors de l'assemblée de mai 2011.