Plus facile d'acheter en Belgique qu'en Ontario ? Pour éviter une situation un peu embarrassante, les provinces canadiennes ont mis les bouchées doubles pour arriver à une entente afin d'abaisser les barrières interprovinciales au commerce.

Le Conseil des ministres à Québec doit entériner cet accord dans les prochaines semaines. On vise juillet prochain, le 150e anniversaire de la Confédération, pour sa mise en oeuvre. Une annonce qui serait le point saillant de la réunion du Conseil de la fédération l'été prochain, indique-t-on au ministère de l'Économie.

« Il y a une partie symbolique » dans cette opération, convient-on. « Ce ne sera pas complètement ouvert. C'est plus loin, plus ambitieux », mais le commerce dans une province sera toujours plus simple qu'à travers les frontières.

En coulisses à Québec, on confie que l'on a planifié de longue main les retombées de cette entente. La décision de la Société des alcools de réduire de 90 cents le prix de ses bouteilles de vin, l'automne dernier, n'est pas étrangère à la perspective d'une concurrence accrue de l'Ontario sur le web, explique-t-on. L'Ontario et le Québec ont traditionnellement été peu enclins à remettre en question leur monopole provincial sur la vente d'alcool, rappelle-t-on au ministère des Finances à Québec.

URGENCE

À Ottawa, on explique qu'il s'agit avant tout d'une entente interprovinciale. Mais le ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, Navdeep Bains, a fait valoir à plus d'une reprise l'urgence d'éliminer les barrières au commerce interprovincial, compte tenu de l'entrée en vigueur prochaine du traité de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne.

Sans réduction des barrières interprovinciales, les entreprises européennes auraient un meilleur accès au marché canadien que les entreprises canadiennes elles-mêmes. « Il fallait corriger cette situation, et les provinces l'ont bien compris », indique une source gouvernementale à Ottawa.

À Québec, on confirme le reportage publié par The Globe and Mail, hier. La Saskatchewan surtout était un ardent partisan de la libéralisation. Les provinces de l'Ouest ont déjà une entente commerciale entre elles « qui va beaucoup plus loin » que l'accord qui sera mis en place pour l'ensemble des provinces. 

L'entente est pratiquement conclue - l'aval des gouvernements provinciaux est en route -, mais des dispositions restent à venir touchant l'alcool et les services financiers. Le commerce interprovincial du vin et de la bière a, depuis des années, été la pierre d'achoppement des discussions entre les provinces.

L'entente viendra enchâsser une harmonisation accrue entre les règles d'une province à l'autre, en matière de camionnage, par exemple. L'encadrement des professions libérales sera aussi nivelé, mais il n'est pas question de mettre de côté les ordres professionnels au Québec ou dans les autres provinces, assure-t-on. L'entente prévoira « des passerelles » pour permettre à un avocat québécois d'avoir l'autorisation de pratiquer en Ontario plus facilement qu'un juriste français, illustre-t-on.

Les obstacles perdureraient sur le commerce de l'alcool, mais les ventes de vin de Colombie-Britannique au Québec, et inversement, seront facilitées.

DES BALISES

En matière d'achat publics, on prévoit « une ouverture, mais avec certaines balises ». Le type de produits et le niveau des contrats seront pris en compte. L'Alberta s'est assuré que la reconstruction de Fort McMurray n'échapperait pas à son industrie intérieure, précise-t-on.

Le Globe indiquait que les négociateurs avaient décidé de procéder par élimination - la libéralisation est générale, excepté pour les produits et services nommément exemptés dans une liste. Les négociateurs de l'accord de libre-échange Canada-Europe avaient procédé de la même manière, ce qui a débouché sur un accord permettant aux provinces de limiter l'accès à leur marché sur des questions comme la forêt, la transformation des produits de la mer et la production d'énergie.

Lors de leur rencontre annuelle, l'été dernier, les premiers ministres des provinces avaient lancé ce projet de libre-échange interprovincial, mais les discussions ont pris plus de temps que prévu.