Le gouvernement Trudeau ne veut pas dire si son projet de loi C-29 soustrairait les banques à l'application de la Loi sur la protection du consommateur du Québec (LPC).

Les experts en droit consultés par La Presse, eux, sont plus catégoriques : l'initiative du gouvernement Trudeau visant à établir un régime fédéral de protection des consommateurs va réduire les chances que les banques continuent d'être régies par la LPC, qui « protège mieux les consommateurs » que les dispositions proposées par Ottawa.

« Nous voulons un régime uniforme, a indiqué à La Presse le secrétaire parlementaire aux Finances, François-Philippe Champagne. La Cour suprême nous a demandé de clarifier [dans l'arrêt Marcotte], nous clarifions, mais toujours dans l'intérêt du consommateur. »

L'Assemblée nationale du Québec a adopté, la semaine dernière, une motion unanime demandant à Ottawa de retirer les dispositions en question du projet de loi C-29, jugées « pas trop contraignantes » par les banques. « [La LPC] doit continuer de s'appliquer. Les objectifs du gouvernement fédéral peuvent être atteints tout en respectant la compétence québécoise », indique le cabinet de la ministre québécoise de la Justice, Stéphanie Vallée.

Le professeur de droit constitutionnel Patrick Taillon croit que les chances que la LPC continue de s'appliquer aux banques vont être réduites si le projet de loi C-29 est adopté. Une conséquence regrettable de ce projet de loi, selon le professeur de l'Université Laval.

« La LPC s'applique tant qu'elle ne fait pas entrave à la législation fédérale. À mesure que le fédéral précise sa législation, ça réduit l'espace pour l'application de la LPC », explique M. Taillon.

SCANDALEUX, SELON UN PROFESSEUR

Soit, il y a la question constitutionnelle. Mais pour les consommateurs, quel régime de protection est le plus avantageux ? Celui de la LPC ou celui du projet de loi C-29 ?

Ottawa vante les vertus de son régime, critiqué par plusieurs groupes de défense des consommateurs. « C'est un régime très favorable aux consommateurs, l'accès aux services de base, les pratiques commerciales, l'interdiction sur les pressions indues, l'ajout de périodes d'annulation », dit François-Philippe Champagne.

Les deux professeurs en droit de la consommation consultés par La Presse ne sont pas de l'avis de M. Champagne. Ils arrivent à la même conclusion : de façon générale, la LPC offre une meilleure protection aux consommateurs que le projet de loi C-29.

Le professeur de l'Université de Montréal Pierre-Claude Lafond trouve l'initiative fédérale « scandaleuse et odieuse ».

Il se dit « outré de voir que les libéraux se comportent comme les conservateurs en matière de protection des banques ».

« La LPC va plus loin dans le domaine contractuel de façon générale. Je sens un certain lobbying des banques, des pressions pour ne pas respecter les lois provinciales. [Les dispositions fédérales] vont compliquer la vie de tout le monde. Les consommateurs ont-ils vraiment besoin de ça ? » - Pierre-Claude Lafond

« Personne ne va assez loin, mais la LPC protège mieux les consommateurs sur plusieurs aspects », dit pour sa part Marc Lacoursière, professeur à l'Université Laval. La LPC comporte « encore des avantages » pour les consommateurs, notamment pour des moyens de défense sur le droit de rétrofacturation et la cession de contrat. Les règles de la LPC sur le consentement pour une carte de crédit sont aussi plus sévères, selon lui.

L'Association des banquiers canadiens (ABC) appuie le projet de loi C-29, « un régime fédéral clair » qui établit « des principes de protection des consommateurs qui ne soient pas trop contraignants » et « suffisamment souples pour faciliter l'adaptation aux changements », selon l'organisme représentant les banques canadiennes.