Alors que le gouvernement Trudeau tarde à afficher ses couleurs quant au choix de l'appareil qu'il retiendra pour remplacer la flotte vieillissante des CF-18, les entreprises canadiennes du secteur de l'aéronautique continuent à décrocher des contrats lucratifs liés au développement et à la construction des avions furtifs F-35. La valeur des contrats qu'elles ont obtenus jusqu'ici totalise 925 millions de dollars US (1,235 milliard CAN) et pourrait franchir le cap du milliard de dollars US d'ici quelques mois, selon des informations obtenues par La Presse.

PLUSIEURS ENTREPRISES CANADIENNES

En tout, plus de 110 entreprises canadiennes ont pu mettre la main sur des contrats octroyés par la société américaine Lockheed Martin dans le cadre du programme de développement et de construction de l'avion F-35. Parmi ces entreprises se trouvent les sociétés québécoises Héroux-Devtek, CMC Electronics et Stelia. Les autres entreprises qui ont récolté leur part de contrats sont Honeywell et Magellan (Ontario), Avcorp Industries et Asco Aerospace (Colombie-Britannique) et Apex Industries (Nouveau-Brunswick). Magellan, qui a aussi une présence au Manitoba, a embauché 450 nouveaux employés en raison des contrats obtenus pour la construction des F-35.

LE CANADA TIRE PROFIT DU PROGRAMME

Le Canada fait partie du programme de développement de l'avion F-35 depuis 1997 avec huit autres pays, dont les États-Unis. Pour faire partie du programme, le gouvernement canadien verse annuellement une contribution de quelque 20 millions US. Jusqu'ici, le Canada a versé environ 330 millions US. Cela permet aux entreprises canadiennes de participer aux appels d'offres pour la construction de l'appareil. « Jusqu'ici, les entreprises canadiennes ont décroché en contrats près de trois fois plus que la somme que le Canada a investie dans le programme et ce n'est qu'un début », a souligné une source proche de l'industrie canadienne.

UNE MANNE CONDITIONNELLE

Mais cette manne de contrats - qui pourrait atteindre plus de 10 milliards au cours de la durée de vie de l'avion - pourrait disparaître si le gouvernement Trudeau donne suite à sa promesse électorale d'écarter l'achat des avions de chasse F-35. La société américaine Lockheed Martin a déjà fait savoir que les contrats industriels seront transférés à d'autres pays qui font partie du programme de développement si le gouvernement canadien jette son dévolu sur un autre appareil. « Je ne veux pas que ce soit perçu comme une menace, mais nous n'aurons d'autre choix, si le Canada opte pour un autre type d'avion, que de déplacer le travail effectué au Canada dans un pays acheteur de notre avion », a affirmé en juin le directeur du développement du commerce international du F-35 de Lockheed Martin, Steve Over. 

LES HÉSITATIONS DU GOUVERNEMENT TRUDEAU

En campagne électorale, les libéraux de Justin Trudeau ont affirmé n'avoir nullement l'intention d'acheter des F-35 s'ils prenaient le pouvoir en raison de l'augmentation des coûts liés au développement et à la construction de cet appareil. M. Trudeau a soutenu que l'achat d'un autre type d'avion que les F-35 permettrait au gouvernement d'économiser « des dizaines de milliards de dollars au cours des prochaines décennies ». Mais le ministre de la Défense, Harjit Sajjan, a été moins catégorique, après avoir entrepris une révision de la politique canadienne en matière de défense. En juillet, il a lancé une ronde de consultations auprès des constructeurs d'avions afin de préciser les coûts, les forces et les lacunes de chacun de leur appareil respectif et les délais de livraison. Le cabinet devra prendre une décision sur cette question au cours des prochains mois. 

LES AUTRES OPTIONS

Le gouvernement Trudeau pourrait s'attirer les foudres de l'industrie aéronautique s'il lance un nouvel appel d'offres qui exclut spécifiquement les F-35. « Nous voulons un appel d'offres juste et équitable et transparent. C'est tout ce que nous demandons », a indiqué une source proche de Lockheed Martin à La Presse. Les autres avions qui pourraient être évalués pour remplacer les CF-18 sont le Rafale de Dassault, l'Eurofighter Typhoon, le Super Hornet ou encore le Grippen du groupe suédois Saab. Ces constructeurs d'avions devraient s'engager à accorder des contrats aux entreprises canadiennes. Mais plusieurs alliés du Canada - dont les États-Unis, l'Australie, la Grande-Bretagne, le Danemark et la Norvège, - ont fait l'acquisition de F-35 ou comptent le faire malgré les ratés du départ et les dépassements de coût du programme de développement.