Le Canada a chargé son envoyé pour l'accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne (UE) de la mission de rencontrer les dirigeants de la région belge de la Wallonie qui a voté pour rejeter l'entente commerciale.

Pierre Pettigrew, un ancien ministre libéral fédéral du Commerce international et des Affaires étrangères, récemment nommé par le gouvernement actuel, se rend à Paris pour rencontrer des représentants de la Wallonie après que le parlement régional eut voté plus tôt vendredi pour rejeter l'entente.

Le premier ministre Justin Trudeau se dit certain que l'accord commercial deviendra réalité.

«Je suis confiant qu'il y a suffisamment de pays européens forts comme la France, comme nous l'avons vu hier (jeudi), l'Allemagne, qui est pleinement à bord et aussi d'autres, que cette entente va passer», a déclaré M. Trudeau à Medecine Hat, en Alberta, où il fait campagne pour une élection complémentaire.

Un porte-parole de la ministre du Commerce international Chrystia Freeland a dit que le Canada continue de travailler avec ses partenaires européens pour que l'entente soit signée. «Nous continuons de dire qu'il s'agit d'une entente excellente pour le Canada et l'UE qui va livrer des résultats positifs et des occasions réelles pour les citoyens du Canada et les citoyens de l'UE», a dit le porte-parole Alex Lawrence en entrevue.

Les ministres européens du Commerce doivent se rencontrer la semaine prochaine pour considérer l'accord. La semaine suivante, M. Trudeau rencontrera ses homologues européens à l'occasion d'un sommet à Bruxelles où on prévoit que les deux côtés signent l'accord.

Le premier ministre a déclaré vendredi que son gouvernement a fait beaucoup d'efforts pour améliorer l'entente. «Nous avons démontré que nous sommes un pays progressiste qui a réussi à concocter l'une des ententes commerciales les plus progressistes jamais proposées au monde».

«Il s'agit en fait d'une nouvelle norme de référence pour ce genre d'entente commerciale qui va démontrer qu'elles sont bonnes pour les citoyens et les petites entreprises, pas juste pour les grandes entreprises et la situation financière du pays».

Jeudi, M. Trudeau avait eu des mots durs pour l'Europe alors que le barrage wallon se pointait à l'horizon. Il avait dit que cela serait une «honte» si l'entente ne pouvait être signée.

M. Lawrence a fait écho à ces propos vendredi après le vote en Wallonie. «Comme le Canada l'a dit, il s'agit d'une entente progressiste. Et si l'Europe est incapable de signer une entente progressiste avec un pays comme le Canada, cela va envoyer un message clair et très regrettable».

Le secrétaire parlementaire de Mme Freeland, David Lametti, avait rencontré des dirigeants wallons et des politiciens pour la seconde fois en une semaine jeudi, se rendant dans la région pour des discussions. Au cours du week-end précédent, M. Lametti avait aussi rencontré une délégation wallonne à Ottawa.

Mais le résultat de vendredi a démontré que ses efforts n'ont pas été couronnés de succès.

Le ministre-président wallon Paul Magnette a indiqué vendredi qu'il ne donnera «pas les pleins pouvoirs au gouvernement fédéral» et que la Belgique ne signera pas (l'accord) la semaine prochaine, au cours d'une rencontre des ministres européens du Commerce pendant laquelle les 28 membres de l'UE décideront d'approuver ou non l'entente.

La Wallonie craint que l'accord ne rende les secteurs agricole et industriel vulnérables à des importations canadiennes bon marché. Les militants environnementaux et les syndicats préviennent de leur côté que de telles ententes internationales risquent d'abaisser les normes locales dans des domaines comme l'alimentation et le travail.

Le Canada et l'UE se sont engagés à signer l'accord cette année et à le ratifier l'an prochain.

La ministre canadienne du Commerce international, Chrystia Freeland, a déclaré qu'il s'agit d'une entente «en or» qui offrira au Canada un meilleur accès à un marché de plus de 400 millions de consommateurs.

La Wallonie met son veto

Malgré les pressions internationales, la région francophone de Wallonie a mis vendredi son veto à la signature par la Belgique du controversé traité de libre-échange entre l'UE et le Canada (Ceta), réclamant des garanties supplémentaires avant la mise en oeuvre de l'accord.

Le Parlement de la Wallonie, l'une des sept assemblées législatives de Belgique dont l'aval est indispensable à la ratification du traité négocié pendant sept ans par l'UE, a adopté à une large majorité une résolution demandant à son ministre-président, le socialiste Paul Magnette, de ne pas autoriser la Belgique à signer l'accord avec le Canada.

«Je ne prends pas ceci comme un enterrement, mais comme une demande de rouvrir des négociations, en souhaitant qu'elle puisse être entendue», a toutefois nuancé l'élu socialiste, qui a multiplié les contacts ces derniers jours avec des dirigeants européens, dont le président de la Commission, Jean-Claude Juncker.

«Cuba de l'Europe»

«Vous n'avez pas le sens de l'Etat, vous prenez en otage la Belgique et l'Europe», l'a tancée sa collègue libérale Virginie Defrang-Firket, estimant que la région wallone, après ce vote, allait devenir le «Cuba de l'Europe».

La Wallonie est une région de quelque quatre millions d'habitants, dont l'industrie souffre depuis des années des effets de la mondialisation, comme l'a encore prouvé l'annonce récente de la fermeture de la grande usine de Charleroi (sud) du fabriquant américain d'engins de chantier Caterpillar.