Combien la réforme proposée par Ottawa - et rejetée par Québec - au Régime des rentes du Québec aurait-elle coûté aux gouvernements ? Dès 2025, la déduction des cotisations additionnelles au Québec aurait coûté environ 200 millions à Ottawa et 200 millions à Québec. Mais à terme, vers 2060, le fédéral aurait aussi épargné environ 485 millions par an en prestations du Supplément de revenu garanti, a appris La Presse. Explications.

TOUTES LES PROVINCES SAUF LE QUÉBEC

Sous la pression de l'Ontario, qui songeait à créer son propre régime de pension, neuf des dix provinces canadiennes ont accepté de bonifier de façon importante le Régime de pension du Canada, un régime auquel cotisent les employés et les employeurs. Les cotisations seront bonifiées pleinement à partir de 2025. En contrepartie - et c'est l'objectif de la réforme - , les prestations à la retraite seront aussi plus généreuses. Le Québec a refusé de signer l'entente parce qu'il ne voulait pas une hausse de cotisations pour les contribuables ayant un revenu annuel inférieur à 27 500 $. À terme, ces contribuables auraient notamment subi une baisse de leur Supplément de revenu garanti, un programme fédéral pour les retraités à revenu modeste. Québec préconisait plutôt une hausse des programmes d'aide gouvernementaux pour ces contribuables.

200 MILLIONS

Si l'entente avait été adoptée au Québec, le coût des déductions des cotisations supplémentaires pour les finances publiques aurait été de 200 millions à Québec et 200 millions à Ottawa en 2025, selon nos informations confirmées par une source gouvernementale à Québec. Toutes les estimations dans cet article sont en dollars de 2016 (il s'agit du coût en 2016 de la pleine application de la réforme, soit en 2025 pour les cotisations et vers 2060 pour les prestations).

55 MILLIONS

Ottawa a aussi offert la bonification d'une mesure fiscale dans l'entente (la prestation fiscale pour revenus de travail), une mesure qui aurait coûté 55 millions à Ottawa pour les contribuables du Québec, selon nos informations. Au bout du compte, le coût fiscal immédiat (dès 2025) pour Ottawa de sa proposition aurait donc été de 255 millions par an au Québec.

485 MILLIONS

Si Ottawa devait absorber immédiatement le coût de la déduction fiscale des cotisations supplémentaires, le gouvernement fédéral aurait aussi épargné à terme des centaines de millions de dollars par année en versements du Supplément de revenu garanti. Le montant du Supplément de revenu garanti diminue à partir d'un certain seuil si le revenu du prestataire augmente, et les revenus des prestataires auraient augmenté à terme avec la bonification du Régime des rentes du Québec. Selon nos informations, les prestataires québécois du Supplément de revenu garanti auraient reçu à terme (vers 2060) 1,1 milliard de dollars par an de plus en prestations du Régime des rentes du Québec et auraient ainsi vu leurs prestations du Supplément de revenu garanti diminuer de 485 millions par an. En somme, Ottawa aurait épargné 485 millions au Québec lorsque la réforme aurait eu son plein effet sur les prestations, vers 2060.

« AMÉLIORATIONS VIABLES », SELON OTTAWA

Ottawa, qui n'a pas voulu confirmer nos informations, est « persuadé que les améliorations [...] sont viables sur le plan budgétaire ». Ottawa promet de publier les impacts fiscaux de la réforme dans un rapport sur la viabilité des finances publiques à long terme qui sera rendu public à l'automne, selon le cabinet du ministre fédéral des Finances, Bill Morneau. Le cabinet du ministre des Finances du Québec, Carlos Leitao, n'a pas commenté le dossier. L'Ontario travaille de concert avec le gouvernement fédéral et les huit autres provinces ayant accepté la réforme pour évaluer son impact fiscal. « L'impact économique temporaire sera compensé par la croissance économique à long terme résultant des revenus de retraite bonifiés », indique l'attachée de presse du ministre ontarien des Finances Charles Sousa, Kelsey Ingram.

« LE QUÉBEC AURAIT PERDU LE PLUS », SELON LES ACTUAIRES

« À court terme, le gouvernement fédéral est perdant, dit Michel St-Germain, président de la commission consultative sur les régimes de retraite de l'Institut canadien des actuaires (ICA) et associé à la firme Mercer. Le plein impact sur le Supplément de revenu garanti sera connu dans 40 ans, car le système proposé est très graduel. [À long terme,] l'effet net entre les provinces, c'est le Québec qui aurait perdu le plus, car c'est au Québec qu'il y a le plus de gens couverts par le Supplément de revenu garanti » L'ICA appuyait le principe défendu par le Québec, selon lequel il n'y aurait pas eu de changements au Régime des rentes du Québec pour les contribuables gagnant moins de 27 500 $.