Investir dans son économie, quitte à réécrire son budget en rouge (et faire des déficits annuels de 14 à 29 milliards) pour les cinq prochaines années. Le ministre fédéral des Finances Bill Morneau n'est pas seulement convaincu que la recette de son premier budget fonctionnera au Canada : il espère que sa philosophie budgétaire axée sur la classe moyenne inspirera les autres pays du G7.

« Ce n'est pas juste nous. Il y a des gens autour du monde qui disent que c'est la bonne chose à faire dans l'ère des taux d'intérêt faibles. Selon moi, nous devrions être les premiers [à le faire] parce que nous avons le meilleur ratio dette/PIB du G7. Nous nous sommes bien préparés pour cette possibilité et nous pourrons en récolter les fruits », a dit le ministre Morneau en entrevue à La Presse.

Les autres pays du G7 regardent-ils la nouvelle philosophie budgétaire du Canada ? « Oui, je suis sûr que je vais avoir des gens intéressés au cours des prochaines semaines. Je rencontre d'autres membres du G7 et je suis assez sûr qu'ils seront intéressés par ce que nous faisons », a-t-il répondu. Sujets à l'ordre du jour : déséquilibre fiscal, retour à l'équilibre budgétaire, comment lire l'état des finances publiques, et équité fiscale.

- 14 MILLIARDS OU 0 DANS CINQ ANS

Dans le budget, Ottawa a écrit que le déficit prévu est de 14 milliards dans cinq ans, soit en 2020-21. Et pourtant, le gouvernement Trudeau pense pouvoir atteindre l'équilibre budgétaire avec une croissance plus forte que prévu de l'économie grâce aux investissements fédéraux et aux politiques favorables à la classe moyenne (Ottawa a aussi, par prudence, diminué théoriquement ses revenus fiscaux de 6 milliards par an). « Avec nos investissements, nous savons que c'est possible d'avoir un budget équilibré dans à peu près cinq ans, a répété le ministre Morneau. Notre objectif est d'avoir un budget équilibré, mais notre priorité est de faire des investissements. »

RATIO DETTE/PIB OU DÉFICIT ?

Quel est le meilleur indicateur de l'état des finances publiques : le déficit ou le ratio dette/PIB ? « Je dois m'inquiéter de tout [« I gotta worry about everything »], dit Bill Morneau. Les chiffres sont toujours importants, mais la chose importante pour nous, c'est la capacité de notre économie d'avoir un niveau de croissance et de garder notre capacité pour l'avenir, et ça, c'est le ratio dette/PIB. » 

Est-ce dire que le gouvernement fédéral peut faire des déficits à perpétuité tant que le ratio dette/PIB reste à 31 % comme c'est le cas actuellement ? Pas exactement, répond le ministre Morneau. « Je sais que les Canadiens veulent que nous ayons la vision d'un budget équilibré. C'est pour ça qu'on a expliqué que c'est possible d'avoir [un budget équilibré] dans à peu près cinq ans. »

Y A-T-IL UN DÉSÉQUILIBRE FISCAL ENTRE LE FÉDÉRAL ET LES PROVINCES ?

« C'est certain que la situation fédérale est différente de celle du Québec. [...] Je crois qu'on a un système qui marche. Il y a toujours un peu de tension, c'est comme ça. [...] Dans la vie, si vous voulez un bon résultat, vous devez avoir des discussions et un débat. [...] Ce que je dis, c'est que le système fonctionne. Le Québec, selon mon estimation, fait un bon travail avec les finances provinciales. Le gouvernement prend des mesures appropriées basées sur sa situation et nous croyons, en nous basant sur notre situation, que nous prenons les actions qui auront le plus d'impact sur la vie des Canadiens et sur l'avenir de leurs enfants. »

QUESTIONS EN VRAC SUR L'ÉQUITÉ FISCALE

Le gouvernement Trudeau peut-il faire un mandat complet sans nouvelles hausses d'impôts ou de taxes ?

Nous nous sommes engagés à avoir un régime fiscal juste. La première chose que nous avons faite, c'est réduire les impôts pour la classe moyenne. Nous avons aussi repensé des programmes pour qu'ils bénéficient à ceux qui en ont le plus besoin. Nous continuons d'avoir cette approche en matière d'équité fiscale, et ça veut dire que si nous voyons des [nouvelles situations] qui bénéficient injustement à une petite partie de la population, nous y verrons.

Il pourrait y avoir une nouvelle hausse du fardeau fiscal pour certains contribuables ?

Notre plan est dans notre budget. Nous ne pensons pas à d'autres mesures. [...] Les Canadiens s'attendent à ce que nous maintenions un régime fiscal juste.

Êtes-vous ouvert à une hausse de la TPS à l'avenir ?

Ce n'est pas dans notre plan.