La ministre du Revenu national, Diane Lebouthillier, nie avec véhémence que l'Agence du revenu du Canada (ARC) a accordé une amnistie à plus d'une vingtaine de riches clients du cabinet comptable KPMG qui avaient réussi à mettre à l'abri du fisc plus de 130 millions de dollars à l'île de Man au cours des dernières années.

Alors que les contribuables ordinaires commencent à remplir leur déclaration de revenus, la ministre Lebouthillier a finalement indiqué jeudi que l'ARC a entrepris des démarches devant les tribunaux afin de s'assurer que tous les contribuables, quels que soient leurs revenus, paient leur juste part des impôts.

Mme Lebouthillier a ainsi mis fin au flou du gouvernement relativement à cette affaire depuis que Radio-Canada a révélé lundi, au terme d'une enquête, que les quelque 20 contribuables bien fortunés ne feraient face à aucune accusation criminelle. Selon Radio-Canada, l'ARC aurait simplement demandé aux contribuables de payer les impôts qu'ils auraient dû verser sur les investissements extraterritoriaux non déclarés et payer des intérêts à taux réduit.

«L'Agence du revenu du Canada n'a pas accordé d'amnistie. L'Agence a mis à jour le stratagème. L'Agence a vérifié les contribuables. L'Agence a lancé les actions en justice. Le dossier n'est pas terminé. C'est un dossier qui est actif», a affirmé la ministre à la Chambre des communes en réponse à une question du NPD.

Mardi, le premier ministre Justin Trudeau s'était montré moins catégorique dans ce dossier en affirmant que «nous avons évidemment engagé un dialogue avec l'Agence du revenu du Canada à propos des questions qui ont été soulevées. Nous voulons que tous les Canadiens paient leur juste part d'impôt et nous veillerons à ce que cela continue d'être le cas à l'avenir. Par ailleurs, il est certain que nous nous pencherons sur les décisions prises par le gouvernement précédent si elles sont erronées».

Interpellé de nouveau mercredi par le chef du NPD Thomas Mulcair, M. Trudeau avait durci quelque peu le ton en déclarant que «L'Agence du revenu du Canada a porté l'affaire devant les tribunaux et entend aller au fond des choses, car c'est ce à quoi s'attendent le gouvernement et l'ensemble des Canadiens».

Les propos de la ministre Diane Lebouthillier indiquent maintenant que l'ARC n'a pas l'intention d'accorder de traitement de faveur aux contribuables fortunés impliqués dans ce stratagème.

Pourtant, durant l'enquête de Radio-Canada, un porte-parole de l'ARC avait déclaré que le fisc canadien a souvent recours à des ententes à l'amiable pour éviter de longues batailles juridiques. «L'ARC reconnaît que la résolution la plus hâtive possible des différends est dans l'intérêt public, car de longs litiges sont coûteux pour toutes les parties et les résultats de ces causes fiscales complexes peuvent être difficiles à prédire», avait alors écrit le porte-parole, Philippe Brideau.

Mais avant de conclure une entente, l'ARC avait imposé des pénalités à certains des clients de KPMG que l'Agence avait réussi à identifier. Selon l'ARC, le stratagème employé à l'île de Man visait à tromper le fisc. Cependant, l'Agence ignorait l'identité des autres clients de KPMG, toujours selon Radio-Canada.

Le chef du NPD, Thomas Muclair avait réagi avec colère aux informations de Radio-Canada en affirmant que l'ARC encourageait l'évasion fiscale en accordant une amnistie à plus d'une vingtaine de riches contribuables.

«C'est un incitatif à la tricherie. (...) Ce n'est pas très rassurant. Cela démontre qu'il y a une loi pour les plus riches, et une loi pour tout le monde», avait-il déclaré.