L'Agence du revenu du Canada (ARC) encourage l'évasion fiscale en accordant une amnistie à plus d'une vingtaine de riches clients du cabinet comptable KPMG qui ont mis à l'abri du fisc plus de 130 millions de dollars à l'île de Man, estime le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Thomas Mulcair.

Alors que les contribuables ordinaires commencent à remplir leur déclaration de revenus, l'ARC envoie un drôle de message en n'imposant aucune pénalité aux individus qui ont tenté de flouer le fisc en utilisant un stratagème permettant d'utiliser des sociétés-écrans qui étaient enregistrées de ce paradis fiscal, a tonné M. Mulcair.

Radio-Canada a révélé au terme d'une enquête que les quelque 20 contribuables fortunés ne feront face à aucune accusation criminelle. Selon Radio-Canada, l'ARC a simplement demandé aux contribuables de payer les impôts qu'ils auraient dû verser sur les investissements extraterritoriaux non déclarés ainsi que des intérêts à taux réduit.

« Comme beaucoup de Canadiens, je suis scandalisé d'apprendre que l'Agence du revenu du Canada a signé une entente où des millionnaires ont pu esquiver des pénalités qui auraient été imposées à monsieur et madame Tout-le-monde. On a réussi à signer une entente le 1er mai, la Journée internationale des travailleurs en plus, qui laisse ces gens-là continuer d'éluder », a lancé M. Mulcair.

« C'est un incitatif à la tricherie. [...] Ce n'est pas très rassurant. Cela démontre qu'il y a une loi pour les plus riches et une loi pour tout le monde », a-t-il encore affirmé.

ENQUÊTE DEMANDÉE

Aux Communes, hier, M. Mulcair a demandé au premier ministre Justin Trudeau d'instituer une enquête afin de faire la lumière sur cette affaire et déterminer si d'autres contribuables fortunés ont eu droit au même traitement de faveur.

« Ça prend une enquête pour savoir pourquoi on a pu accepter une chose pareille. Depuis quand il y a une loi pour les millionnaires et une autre loi pour monsieur et madame Tout-le-monde ? Vous êtes propriétaire d'un restaurant, vous essayez d'éluder 10 000 $ d'impôts ? Bonne chance, vous allez avoir des amendes, puis des intérêts, puis on va vous tomber dessus comme le malheur », a-t-il déclaré devant les journalistes.

M. Trudeau a pour sa part soutenu que son gouvernement tient à ce que tous les Canadiens paient leur juste part des impôts. « Quant aux décisions prises sous l'ancien gouvernement, nous allons certainement les examiner si elles sont erronées », a-t-il dit.

Un porte-parole de l'ARC a indiqué à Radio-Canada que le fisc canadien a fréquemment recours à des ententes pour éviter de longues batailles juridiques. « L'ARC reconnaît que la résolution la plus hâtive possible des différends est dans l'intérêt public, car de longs litiges sont coûteux pour toutes les parties et les résultats de ces causes fiscales complexes peuvent être difficiles à prédire », a écrit le porte-parole, Philippe Brideau.

Mais avant de conclure une entente, l'ARC avait imposé des pénalités à certains des clients de KPMG qu'elle avait réussi à identifier. Selon l'Agence, le stratagème employé à l'île de Man visait à tromper le fisc. Cependant, l'ARC ignorait l'identité des autres clients de KPMG, toujours selon Radio-Canada.