Postes Canada pourrait s'assurer un meilleur avenir en augmentant ses tarifs en régions rurales, puisque la distribution du courrier y coûte plus cher qu'en ville, recommande un économiste.

Une étude de l'École de politiques publiques de l'Université de Calgary dresse un sombre portrait de la société de la Couronne si elle ne se transforme pas. Le nombre de lettres distribuées a baissé de près de 25 % entre 2006 et 2013, et cette tendance devrait se poursuivre. Par contre, le nombre de colis livrés chez les consommateurs en ligne ne suffit pas à compenser ce déclin constant. D'autre part, le nombre d'adresses postales au pays augmente d'environ 250 000 chaque année.

Par ailleurs, la grille tarifaire de Postes Canada est la même pour tout le pays, même s'il en coûte plus cher de distribuer le courrier en régions rurales.

L'auteur de l'étude, Philippe De Donder, déplore cet «interfinancement» - les citadins assument les coûts accrus de la distribution du courrier en zones rurales. Le professeur De Donder, de l'École d'économie de l'Université Toulouse-1, soutient que les tarifs de Postes Canada devraient être calqués sur ses coûts de production.

M. De Donder, qui s'est penché sur d'autres systèmes postaux dans le monde, estime ainsi que Postes Canada devrait bénéficier d'un pouvoir accru sur sa grille tarifaire, sans pour autant jouir d'une liberté totale. En fait, un organisme indépendant devrait être chargé de fixer des plafonds sur les tarifs, afin que les consommateurs ne soient pas tentés d'abandonner purement et simplement le service postal.

Quant au mécontentement que pourrait susciter une majoration des tarifs en région, M. De Donder évoque deux scénarios. D'une part, estime-t-il, les gens qui choisissent de vivre dans des régions moins densément peuplées devraient accepter le fait qu'ils paieront plus cher pour certains biens et services, comme la poste. D'autre part, le gouvernement pourrait décider de soutenir financièrement ces citoyens grâce à un remboursement d'impôt ou toute autre mesure fiscale, par exemple.

M. De Donder suggère aussi un autre scénario: une tarification variable en fonction du bouquet de services choisis par le client, prévoyant des frais supplémentaires pour la livraison à la porte et des frais minimes - voire inexistants - à la boîte communautaire.

«De cette façon, la mesure est très, très transparente, plaide le professeur De Donder. Les économistes n'aiment pas beaucoup (l'interfinancement) parce que cette tarification n'est pas du tout transparente.»

L'universitaire ne croit pas, par ailleurs, que la solution aux problèmes de Postes Canada passe par la privatisation complète de la société de la Couronne - du moins pour l'instant. Il recommande cependant l'introduction de plus de concurrence dans les activités de tri et de transport du courrier.

Dans le but de réduire ses coûts d'exploitation, Postes Canada a annoncé en 2013 qu'elle abandonnerait graduellement la livraison de porte-à-porte et qu'elle installerait plutôt des boîtes postales communautaires partout au pays. Tout de suite après les élections générales d'octobre, le nouveau gouvernement libéral a exigé l'interruption de cette vaste opération, de sorte que certains Canadiens reçoivent toujours leur courrier à domicile alors que d'autres doivent déjà se déplacer.