Les Canadiens ont encaissé de juteux gains de change depuis cinq ans. Le dollar américain a bondi de 45 % par rapport au huard, dont 16 % depuis 12 mois. Or, beaucoup d'investisseurs ne savent pas comment déclarer correctement ces profits au fisc. Gare à eux !

Pour vous aider à comprendre les subtilités fiscales des gains de change, Ricardo Antuña, fiscaliste à la Banque Nationale, a répondu à mes questions.

COMMENT LE GAIN DE CHANGE EST-IL IMPOSÉ ?

Le gain de change fait partie du gain en capital. Il est donc imposé seulement à moitié. Si vous réalisez un gain de 10 000 $, la moitié sera imposable (5000 $). Au taux d'imposition le plus élevé (53 % si vous gagnez plus de 200 000 $), la facture d'impôt s'élèvera donc à 2650 $. Toutefois, si vous avez subi des pertes en capital, vous pouvez les utiliser pour effacer vos gains. Notez aussi qu'il existe une exemption d'impôt pour la première tranche de 200 $ de gains de change dans une année.

COMMENT CALCULE-T-ON LE GAIN DE CHANGE SUR DES ACTIONS ÉTRANGÈRES ?

Lorsqu'ils vendent des placements étrangers, les investisseurs ont tendance à calculer leur gain en capital en devise étrangère, puis à le convertir en dollars canadiens en utilisant un seul taux. Erreur ! En réalité, il faut convertir le prix d'achat et le prix de vente en utilisant le taux en vigueur au moment de chacune des deux transactions, pour ensuite calculer le gain en dollars canadiens. Prenons un exemple. Vous avez acheté une action de la société ABC à 100 $ US alors que le dollar canadien valait 1,10 cent US. Vous l'avez revendue à 95 $ US, alors que le huard ne valait plus que 77 cents US. À première vue, vous avez réalisé une perte de 5 $ US. Mais en dollars canadiens, vous avez plutôt encaissé un gain de 32,47 $, soit la différence entre le prix de vente (95/0,77 = 123,38 $ CAN) et le prix d'achat (100/1,10 = 90,90 $ CAN).

Note : quand on a acheté plusieurs fois des actions de la même société, il faut y aller date par date. Impossible de prendre un taux de change moyen. « Le seul moment où l'on peut utiliser un taux de change moyen, c'est lorsqu'on reçoit des intérêts ou des dividendes tout au long de l'année », précise M. Antuña.

Pour connaître les taux historiques, consultez le site web de la Banque du Canada.

MAIS SI L'ARGENT RESTE DANS UN COMPTE EN DOLLARS AMÉRICAINS ?

« Les gens s'imaginent que tant que l'argent reste dans un compte en dollars américains, le gain de change n'est pas imposable », déplore M. Antuña. Pas du tout ! Si vous vendez des actions de Google, vous devez calculer votre gain en dollars canadiens, même s'il n'y a pas eu de véritable conversion puisque l'argent est resté dans le compte en dollars américains. Bien des comptables l'ignorent, mais vous devez même déclarer le gain de change sur l'argent qui traîne dans votre compte en dollars américains entre deux transactions. Exemple : vous vendez des actions le 1er janvier, mais vous en rachetez d'autres seulement le 1er juillet. Il faut calculer le gain ou la perte de change sur l'argent durant ces six mois.

QU'EN EST-IL DES FONDS COMMUNS ?

Pour les fonds communs libellés en dollars canadiens, pas de souci ! Même si le fonds est investi à l'étranger, il n'y a pas de considération fiscale liée au taux de change pour le détenteur. Mais pour les fonds communs libellés en dollars américains, c'est une autre histoire. Il faut procéder comme pour des actions. Cela est vrai même pour des fonds de marchés monétaires... ce que de nombreux investisseurs oublient. Même si ces fonds s'achètent et se vendent toujours à 1 $ US l'unité, il y a un gain ou une perte en capital à cause de la fluctuation de la monnaie.

FAUT-IL DÉCLARER SON GAIN DE CHANGE SUR L'ARGENT À LA BANQUE ?

En théorie, oui ! Mais ce n'est pas toujours évident. Prenons un cas classique. Prévoyant la chute du huard, un snowbird vire à l'avance 10 000 $ dans un compte en dollars américains afin de payer l'épicerie, le loyer et les autres dépenses de l'hiver. Si le huard baisse, il réalisera un gain de change. Évidemment, ça devient compliqué de calculer le gain chaque fois qu'on sort de l'argent du compte pour acheter des carottes ! Par contre, si vous avez mis 300 000 $ US de côté pendant un an, en vue de l'achat d'un condo, le gain de change sur cet argent sera plus facile à retrouver.

ET POUR CEUX QUI ONT UNE HYPOTHÈQUE À L'ÉTRANGER ?

C'est encore plus méconnu, mais chaque fois que vous remboursez une hypothèque en devise étrangère, vous réalisez un gain ou une perte de change. Par exemple, si le huard plonge, cela gonflera la valeur de votre dette. Par conséquent, vos remboursements déclencheront une perte en capital.

QUEL EST L'IMPÔT À LA VENTE D'UNE RÉSIDENCE EN FLORIDE ?

Si vous faites un profit à la revente de votre maison aux États-Unis, le gain en capital sera d'abord imposable aux États-Unis, puis au Canada sur l'excédent. Attention ! À cause du jeu des devises, il peut y avoir une perte aux États-Unis et un gain au Canada, et vice versa.

COMMENT RÉDUIRE SON GAIN SUR LA RÉSIDENCE ?

Il est possible de réduire la facture d'impôt en soustrayant du gain en capital une série de dépenses : la commission du courtier, les honoraires d'avocats, les rénovations ainsi que les charges de copropriété extraordinaires.

PEUT-ON UTILISER SON EXEMPTION DE RÉSIDENCE PRINCIPALE ?

Oui, les Canadiens peuvent utiliser leur exemption de résidence principale canadienne sur une résidence secondaire qu'ils habitaient aux États-Unis, mais uniquement pour effacer le gain imposable au Canada. Cela dit, un ménage ne pourra pas utiliser cette exemption pour une autre résidence au cours des mêmes années de détention.

QU'ARRIVE-T-IL AVEC LE FEUILLETON DU T1135 ?

Les gens qui possèdent des biens étrangers dont le coût est supérieur à 100 000 $ doivent remplir un formulaire dans leur déclaration d'impôt canadienne. Bonne nouvelle ! À la suite des pressions de l'industrie, les gens qui ont des biens inférieurs à 250 000 $ pourront utiliser un formulaire simplifié qui éliminera beaucoup de problèmes, dit M. Antuña.