Le ministre fédéral de l'Emploi et du Développement social, Pierre Poilievre, a revêtu un polo de golf aux couleurs du Parti conservateur, lundi, en venant mousser à Halifax la Prestation universelle pour la garde d'enfants, un geste partisan dénoncé par l'opposition.

Le ministre Poilievre a affirmé que près de 3 milliards $ ont été transférés lundi aux familles qui ont demandé à recevoir la Prestation universelle pour la garde d'enfants (PUGE), et que ce paiement bonifié, rétroactif au 1er janvier dernier, est le fruit du budget équilibré du gouvernement de Stephen Harper.

Ottawa versait depuis 2006 aux parents canadiens 100 $ par mois pour chaque enfant de moins de six ans. Cette prestation est passée lundi à 160 $ par mois, et une nouvelle prestation mensuelle de 60 $ a été créée pour chaque enfant de six à 17 ans. Ces «nouvelles» prestations sont rétroactives au début de 2015, ce qui fait que les versements de juillet seront plus élevés que jamais: jusqu'à 520 $ par enfant de moins de six ans et 420 $ par enfant de six à 17 ans, en un seul chèque, imposable.

Le porte-parole du Nouveau Parti démocratique pour les questions touchant le Conseil du trésor, Mathieu Ravignat, juge inappropriée et contraire à l'éthique la décision du ministre Poilievre de porter les couleurs du Parti conservateur pour annoncer des fonds approuvés par le Parlement. Le NPD, qui maintiendrait la PUGE, estime par ailleurs que ces sommes auraient été plus utiles dans un programme national de garderies, une promesse néo-démocrate pour la prochaine campagne électorale.

Le porte-parole libéral en matière de logement et d'affaires municipales, Adam Vaughan, a quant à lui cité une décision du Commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, qui avait critiqué en 2010 l'utilisation du logo du Parti conservateur sur des copies de chèques et autres accessoires lors d'annonces de subventions fédérales.

Le ministre Poilievre n'était plus disponible pour commenter les critiques de l'opposition, en après-midi. Pendant le point de presse du matin, il a déclaré que les «bénéfices tangibles» de la PUGE sont plus utiles aux parents qu'à un programme national de garderies. «Les parents peuvent dépenser l'argent comme ils l'entendent, notamment dans une garderie, si c'est leur choix, a-t-il dit aux journalistes. Les libéraux et le NPD prendront tout cet argent pour le dépenser sur des grands programmes bureaucratiques qui n'apporteront aucune solution aux familles.»

De passage à Fredericton, le chef libéral Justin Trudeau a rétorqué que son plan de prestation pour les enfants inclut un montant mensuel plus élevé et exempt d'impôt pour les familles qui en ont le plus besoin. «La raison pour laquelle nous pouvons donner des plus gros chèques est que nous en faisons moins pour les familles qui n'en ont pas besoin, a expliqué M. Trudeau aux journalistes. Ces gens qui font plus de 200 000 $ de revenu familial ne reçoivent aucune prestation pour leurs enfants, selon le plan libéral. Donc, nous nous concentrons à aider la classe moyenne et ceux qui travaillent fort pour accéder à la classe moyenne.»

Mise en garde de l'AFPC

L'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) accuse pour sa part le gouvernement Harper de tenter de berner les parents avec la PUGE. En campagne active contre les conservateurs depuis le mois de mars, le syndicat a mis en garde lundi les parents contre tout excès d'enthousiasme.

En point de presse à Québec, la vice-présidente directrice régionale de l'AFPC-Québec, Magali Picard, a reproché aux conservateurs d'omettre de préciser que les montants versés sont imposables. Selon le syndicat, la bonification de la prestation à 720 $ par enfant par année n'atteindra que 157 $ par enfant pour 75 pour cent des familles, une fois les impôts acquittés. Des centaines de milliers de parents auront donc une bien mauvaise surprise le printemps prochain au moment de produire leur déclaration de revenu, a fait valoir Mme Picard.

Si elle reconnaît que la mesure sociale représente un «plus» pour bien des familles, elle estime néanmoins qu'au final, les parents se «font avoir» par les troupes conservatrices. À son avis, le premier ministre Harper aurait dû rendre le crédit d'impôt pour enfant remboursable, plutôt que de lancer une mesure «purement électoraliste».

Le ministre Poilievre a déjà comparé ce versement à un cadeau de «Noël en juillet», ce qui a fait dire sur Twitter à Emily Wright, une militante torontoise pour la justice sociale: «Depuis quand les cadeaux du père Noël sont-ils imposables?».