Il y a parfois de ces hasards dans la vie qui laissent pantois.

Ainsi, jeudi, tandis que le gouverneur de la Banque du Canada Stephen Poloz répétait devant l'Economic Club de New York qu'il «faudra quelques années encore avant que notre économie puisse connaître une croissance soutenue et naturelle», Statistique Canada annonçait que le taux d'utilisation des capacités industrielles avait grimpé pour le cinquième trimestre d'affilée et était le plus élevé en huit ans.

Dans le segment de la fabrication, le taux observé au troisième trimestre atteint un sommet de sept ans.

Le taux d'utilisation des capacités industrielles, rappelons-le, permet de prendre le pouls de toute la production de biens, à l'exception de l'agriculture. Plus il est élevé, plus on se rapproche du plein potentiel de croissance.

Durant l'été, il s'élevait à 83,4% comparativement à 82,8% au printemps. Le sommet précédent est survenu durant l'hiver 2006, à 84,2%.

Au deuxième trimestre de 2009, qui coïncide avec le creux de la récession, il était descendu à 71,6%.

La production manufacturière a lourdement souffert durant la récession qui a provoqué l'effondrement des exportations canadiennes. Tout indique que la convalescence de cette production soit fort avancée. Le taux d'utilisation atteint désormais 83,8%. Il faut remonter au printemps 2007 pour trouver un taux légèrement plus élevé, à 84,2%.

Certains segments sont complètement rétablis. Ainsi en est-il du matériel de transport, dont le taux de capacités atteint 95,6%, un sommet historique.

En 2009, il était passé sous la barre des 60%. La récession avait entraîné les faillites de General Motors et de Chrysler, rescapées avec des fonds publics.

En temps normal, un taux d'utilisation élevé signale l'imminence d'investissements pour accroître les capacités. Dans ce cas-ci, la chose est loin d'être acquise: les coûts de fabrication de véhicules sont plus élevés au Canada que dans le sud des États-Unis ou au Mexique. Il est vrai toutefois que cela n'a pas freiné Ford, qui a annoncé l'an dernier l'agrandissement de son usine d'Oakville où sont assemblés les VUS Edge.

D'autres segments ont des taux d'utilisation très élevés, mais cela est attribuable à la suppression de capacités pour soutenir les prix. C'est le cas du papier à 90,3%, en baisse de 2,2 points de pourcentage par rapport au printemps. En amont, la foresterie tourne à 81,1%, un taux en baisse de 8,4 points depuis un an. En revanche, les transformateurs de bois paraissent fort occupés avec un taux d'utilisation de 93,9%, en hausse de 6,8 points depuis un an.

L'industrie de la construction n'est pas en reste avec un taux de 84,9%, en hausse modeste mains continue depuis un an.

Outre la foresterie, les industries productrices de biens qui paraissent encore souffrir quelque peu sont la production et le transport d'électricité (- 4,9% depuis un an).

En plus, les capacités des produits du tabac sont utilisées à 61% seulement. Sauf pour les travailleurs de cette industrie, il s'agit là d'une bonne nouvelle.

Dans son discours, Stephen Poloz a dit s'attendre «à une reprise de la croissance des exportations, qui sera suivie par le réveil des esprits animaux, un regain des investissements dans de nouvelles capacités de production et de nouvelles sociétés, puis le retour de la création d'emplois».

L'esprit animal est une expression forgée par l'économiste John Maynard Keynes pour décrire la confiance et l'optimisme d'un entrepreneur ou d'un consommateur dans son comportement économique.

Et d'ajouter le gouverneur: «Et on dirait que cet enchaînement naturel est enfin engagé.»

À lire les données sur le taux d'utilisation des capacités, le conditionnel paraît superflu...