L'augmentation des dépenses en santé est telle qu'elle compromet l'avenir même du système public et l'équilibre budgétaire des provinces.

Et moins un gouvernement provincial respecte ses prévisions de dépenses en santé, plus l'atteinte de ses cibles budgétaires devient difficile.

Or, l'expérience des dernières années montre que c'est malheureusement le cas.

La compilation minutieuse des dépenses budgétées en santé par les provinces et l'argent réellement dépensé entre 1998 et 2011 a été analysée par William Robson, président de l'Institut C.D. Howe, à partir des données de l'Institut canadien d'information sur la santé qu'on peut consulter en ligne.

M. Robson en arrive à un dépassement moyen annuel de 0,9%, ou de 14% sur la période, ce qui équivaut à 19 milliards de dollars. «C'est davantage que le budget annuel en santé de toutes les provinces, sauf l'Ontario et le Québec», dit-il. On peut lire son analyse en anglais à www.cdhowe.org/pdf/e-brief_185.pdf.

On pourra arguer que les gouvernements provinciaux de toutes allégeances sont aux prises avec les défis que pose leur population vieillissante sur la desserte des soins de santé. Ces coûts croissent plus vite que la taille de l'économie. Ils accaparent donc une part de plus en plus grande du budget de l'État, au détriment d'autres programmes tout aussi importants comme l'éducation ou la mise à niveau des infrastructures.

Au Québec, en 2011, les dépenses publiques en santé représentaient 8,5% du produit intérieur brut (PIB), soit davantage qu'en Ontario, qu'au Canada dans son ensemble, ou que dans la zone euro.

Respecter ses prévisions de dépenses en santé devient dans ce contexte l'objectif central d'un gouvernement. À plus forte raison dans un contexte de resserrement budgétaire.

Si, par le passé, on a souvent vanté la capacité de Québec à respecter la croissance prévue de ses dépenses, Robson montre que c'est moins le cas de l'enveloppe de la santé.

En fait, six provinces ont mieux fait que lui au cours de la période étudiée, la palme revenant au Manitoba.

Québec s'en tire beaucoup mieux quant au dépassement de l'ensemble de ses dépenses. Sept provinces ont connu des écarts plus significatifs.

Cela signifie donc que Québec a dû sabrer davantage d'autres programmes. Il a aussi joué de chance puisqu'il a pu profiter d'un contexte de baisse quasi continue des taux d'intérêt obligataires qui a diminué la croissance du service de sa dette, la plus élevée de toutes les provinces, en deçà de sa prévision.

Robson a aussi calculé que l'augmentation annuelle moyenne totale des budgets provinciaux en santé a été de 6% durant la période observée.

La croissance potentielle réelle de l'économie canadienne est aux environs de 2%, selon l'estimation de la Banque du Canada, qui cible par ailleurs un taux annuel d'inflation de 2%. Toute augmentation des dépenses en santé de plus de 4% paraît donc insoutenable.

Mince espoir, les prévisions de croissance des dépenses en santé pour 2013 étaient d'environ 3%. On ne saura malheureusement que l'an prochain avec quel degré d'exactitude elles se sont réalisées quand les comptes budgétaires des provinces seront définitifs.

Cela suppose aussi des variations provinciales. Un document produit par le ministère des Finances du Québec l'hiver dernier estimait à 5,1% la croissance des dépenses en santé pour 2013-2014, comparativement à 2,7% pour l'Ontario, 3,8% pour la Colombie-Britannique et 3,5% pour l'Alberta.

Ces prévisions tiennent compte des coûts associés au vieillissement de la population, plus rapide par exemple au Québec qu'en Alberta. La population de la province des scheiks aux yeux bleus est parmi les moins âgées au Canada parce que plusieurs jeunes des autres provinces y migrent dans l'espoir d'améliorer leur sort.

Ainsi, le taux de chômage de la cohorte des 15-24 ans était de 12,5% au Québec comparativement à 9,9% en Alberta, le mois dernier. Celui du Québec, tous âges confondus, était de 7,7%, comparativement à 4,9% en Alberta.

La croissance provinciale asymétrique des dépenses en santé plaide pour une réforme des transferts canadiens en santé qui tienne compte du poids des 60 ans et plus dans la population des provinces. C'est à partir de cet âge que les besoins de soins augmentent de manière exponentielle.

Jusqu'ici, Ottawa fait la sourde oreille.

Faire la preuve que les dépenses en santé grimpent plus vite que la croissance économique, tout en étant conformes aux prévisions budgétaires, fournirait un argument imparable à Québec, même devant un vis-à-vis entêté dans sa volonté électoraliste de baisser les impôts.