La ratification de l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne (UE) constituera un test important pour cet imposant bloc économique, estiment certains experts, incluant l'ancien premier ministre du Québec, Jean Charest.

Il pourrait d'ailleurs s'écouler deux ans avant que cette entente de quelque 1500 pages soit entérinée par les autorités compétentes à Bruxelles et dans les 28 capitales des pays membres de l'UE. Ce sera d'ailleurs la première fois que le Parlement européen est appelé à se prononcer sur une entente de libre-échange aussi importante.

Signe que la ratification pourrait se buter à une certaine résistance, l'Allemagne continue d'exprimer des réserves face à certaines clauses de l'entente, notamment celles qui portent sur les droits des entreprises à poursuivre un État qui adopterait des lois qu'elles jugeraient nuisibles à la conduite de leurs activités.

Ce nuage à l'horizon n'a pas empêché le premier ministre Stephen Harper de célébrer la signature de l'accord à Ottawa, après cinq longues années de négociations, en compagnie du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, et du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.

« L'accord commercial entre le Canada et l'Union est plus vaste, est plus dense que tout autre accord analogue conclu de toute l'histoire du Canada. En donnant aux exportateurs canadiens un accès privilégié aux 500 millions de consommateurs prospères de l'Union européenne, cet accord permettra de réinventer notre relation commerciale avec le plus vaste marché du monde », a affirmé M. Harper.

Le premier ministre a ajouté qu'avec cet accord, et celui signé lundi avec la Corée du Sud, le Canada libéralise son commerce avec plus de la moitié de l'économie mondiale.

« Le Canada aura l'un des plus grands réseaux de commerce au monde ainsi que les emplois et les débouchés qui s'y rattachent. L'accord commercial entre le Canada et l'Union européenne ne fait donc pas seulement transformer la partie pour les entreprises. Il fait une nouvelle partie qui se joue dans la plus grande ligue du monde », a-t-il dit.

Présent à la cérémonie, Jean Charest, qui avait invité Ottawa à conclure une entente de libre-échange avec l'UE en 2007, a affirmé que le Canada devra demeurer « vigilant » pour s'assurer de la ratification.

« C'est une étape décisive aujourd'hui [vendredi] puisque les négociations sont terminées. Le texte est rendu public. C'est très significatif. Nous commençons une nouvelle étape où il faudra également être très vigilant parce que les deux ans d'approbation nous amènent à des mécanismes d'approbation qui ne sont pas éprouvés encore, qui seront testés pour la première fois au Parlement européen », a-t-il souligné.

D'ailleurs, la procédure de ratification fait toujours l'objet de débat en Europe. L'actuel président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, dont le mandat se termine en fin de semaine, estime que seule l'approbation du Parlement européen est nécessaire. Mais son successeur, Jean-Claude Juncker, prétend que chacun des 28 pays de l'UE doit ratifier l'accord.

Devant les journalistes, vendredi, tant M. Barroso que M. Harper ont tenu à minimiser les risques que cet accord s'échoue sur l'écueil de l'opposition en Allemagne. M. Barroso a souligné que l'Allemagne est le pays européen qui pourrait bénéficier le plus de l'entrée en vigueur de l'accord. « Les communications que nous avons eues jusqu'ici sont que l'Allemagne est absolument en faveur de cette entente », a-t-il dit.

ACCORD COMMERCIAL CANADA-EUROPE EN BREF

Extraits de l'énoncé officiel du ministère fédéral des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement international.

AU GLOBAL:

> «Élimination complète des droits tarifaires sur tous les produits non agricoles», mais avec des «périodes de transition de trois, cinq ou sept ans pour les automobiles, certains produits de la mer et certains produits agricoles.»

PRODUITS AGROALIMENTAIRES:

> Europe: élimination de 93 % des tarifs douaniers de l'Europe

> Canada: élimination de 92 % des tarifs douaniers, sauf pour les produits en gestion de l'offre (volaille, oeufs, produits laitiers). Hausse de 16 800 tonnes par an de l'allocation d'importation de fromages européens.

SERVICES ET INVESTISSEMENTS:

> «Reconnaissance du droit des gouvernements d'exercer leur souveraineté sur les ressources naturelles et d'en réglementer l'exploitation. Les soins de santé, l'éducation publique et les autres services sociaux sont exclus.»

> «Engagement réciproque à traiter les investisseurs du Canada et de l'Union européenne de manière juste, équitable et non discriminatoire.»

MONOPOLES ET SOCIÉTÉS D'ÉTAT:

> «Garanties que les monopoles et sociétés d'État fonctionnent de façon non discriminatoire et en fonction de considérations commerciales.»

MARCHÉS PUBLICS:

> «Maintien de la capacité d'accorder la préférence à des entreprises nationales lors de recours à des subventions, des prêts ou des incitations fiscales.»

SUBVENTIONS ET RECOURS COMMERCIAUX:

> «Réitération des droits et des obligations conférés dans le cadre de l'OMC [Organisation mondiale du commerce] en ce qui a trait aux subventions et aux recours commerciaux.»

AUTRES:

> Faciliter la mobilité de la main-d'oeuvre;

> coopération accrue en matière de réglementation, d'obstacles techniques au commerce et d'évaluation de la conformité;

> réciprocité en matière de protection de la propriété intellectuelle, des marques commerciales, du droit d'auteur et des appellations contrôlées;

> instauration d'un mécanisme de règlement des différends;

> coordination accrue en matière d'objectifs et de normes de commerce et développement durable, d'environnement et de conditions de travail.

Source: Résumé technique des résultats finaux de la négociation, Accord économique et commercial global Canada-Union européenne

Pour consulter le résumé technique de l'accord, tel que divulgué par le gouvernement canadien: https://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/assets/pdfs/ceta-aecg/aecg-resumetechnique.pdf